DARKTRIBE – Voici l’Homme (2020)

Troisième album pour les Niçois de Darktribe dont le power metal nous invite à un voyage à travers une musique puissante, mélodique et technique, portée par un bel équilibre entre la voix d’Anthony Agnello, les guitares de Loïc Manuello et la section rythmique composée de Bruno Caprani et Julien Agnello. Les arrangements sont également de qualité, notamment grâce à l’apport de claviers qui colorent l’ensemble de registres différents en fonction des émotions que veulent susciter les morceaux. Le travail effectué sur chaque titre est d’ailleurs conséquent, ce qui permet de se rendre compte de la maturité atteinte par ces musiciens. Les compositions se situent dans la lignée de Vision Divine, avec quelques thèmes proches de Symphony X et des influences néo-classiques. Autant dire qu’avec cet album, Darktribe accède à un cercle assez restreint de groupes de référence. Dans le genre, à part Adagio, il ne me semble pas exister beaucoup de formations de ce niveau dans l’hexagone, et même en Europe.

Débutant par un instrumental assez expressif, Voici l’Homme nous propose un premier titre nuancé, qui alterne passages en tempo médiums et accélérations. Mélodique et entraînant, « Prism of Memory » est une superbe entrée en matière qui permet d’admirer les lignes vocales et la tessiture d’Anthony Agnello, ainsi que les riffs et harmonies de Loïc Manuello qui se révèle être un guitariste très fin. Plus lent, « Voici l’Homme » est également plus accessible, grâce à un refrain mêlant anglais et français qui reste vrillé dans la tête. Le thème renvoie évidemment à la Bible, mais aussi au roman de Michael Moorcock qui traite des mêmes thèmes. Après ces deux excellents morceaux, « A Silent Curse » tient parfaitement la route, en s’appuyant sur une structure complexe et des lignes vocales mélancoliques. La section rythmique y abat un travail considérable, permettant à la guitare de tisser des motifs envoûtants.

Piochant dans différents motifs du metal, Darktribe propose une riche palette de compositions, qui flirtent à la fois avec le thrash et le progressif, comme l’excellent « Faith and Vision », s’abreuvant au heavy et au néo-classique sur l’enlevé « According to Darkness » pour mieux jouer avec les limites du metal extrême sur le puissant et original « Symbolic Story ». Si la base de la musique du quatuor est le power metal, on se rend vite compte que leur horizon est plus large. Ainsi, « Hunger Theory » joue sur des registres plus lyriques, en mettant l’accent sur la voix et la basse, pour mieux laisser les guitares s’envoler, tandis que le torturé « Under the Tree of Life » se construit autour d’un beau refrain pour un résultat tout en finesse.

Voici l’Homme est un album en tout point réussi, composé et joué par un groupe en pleine possession de ses moyens. Sachant allier puissance et grâce, il nous prouve que nos groupes hexagonaux n’ont pas à rougir face aux groupes du même genre.

  • 1. March for a Prophecy
  • 2. Prism of Memory
  • 3. Voici l’homme
  • 4. A Silent Curse
  • 5. Faith and Vision
  • 6. Back in Light
  • 7. Under the Tree of Life
  • 8. According to Darkness
  • 9. The Hunger Theory
  • 10. Symbolic Story
  • Anthony Agnello – Chant
  • Loïc Manuello – Guitares
  • Bruno Caprani – Basse   
  • Julien Agnello – Batterie

Label : Scarlet Records

BALANCE – In For the Count (1982)

Après un premier album éponyme assez bien accueilli et la relative réussite du single « Breaking Away », Balance publie un nouvel album en changeant notamment sa section rythmique qui voit l’arrivée de Dennis Feldman et Chuck Burgi. Plus puissant que son prédécesseur, In For the Count propose des chansons qui s’ancrent résolument dans le hard FM, en laissant plus de place aux guitares et aux riffs acérés délivrés par l’excellent Bob Kulick. Produit par Tony Bongiovi (le cousin de Jon Bon Jovi dans le studio duquel il a enregistré ses démos), cet album bénéficie d’un son adapté à cette musique entraînante, mélodique et énergique en phase avec son époque.

Proche de Survivor et de Journey, la musique de Balance est portée par des mélodies vocales pleines de passion et des guitares vitaminée. C’est évident dès les premières mesures du mid tempo « In for the Count » qui possède de vraies qualités pour devenir un hit et ressemble par certains côtés aux futurs titres de Bon Jovi. On se demande pour quelle raison cela n’est pas arrivé. Plus rapide, « Is it Over » s’appuie sur de superbes guitares, un groove irrésistible et un refrain entêtant. La section rythmique est appliquée, ce qui permet de belles envolées lors du solo. C’est également le cas sur le hard rock « Undercover Man » qui est porté par une basse vrombissante et par un riff heavy que ne renierait pas Saxon. Bob Kulick nous prouve qu’il est un guitariste mésestimé et qu’il est capable de composer d’excellents morceaux.

Mais cet album est varié, nous offrant de nombreuses atmosphères. Coincé entre le rock de Queen, la musique de Yes et l’AOR, « On My Honour » est savamment construit, avec des nappes de claviers issus du progressif et un joli refrain.  Plus complexe, « All the Way » démarre comme une chanson de Yes pour évoluer vers Toto, en changeant régulièrement de rythme. Le refrain donne envie de taper du pied, comme c’est le cas aussi pour le bon « Slow Motion ». Tout cela est joliment travaillé, plus rock que hard rock, et c’est justement ces hésitations qui ont pu empêcher le groupe de percer. Le rock teinté de fusion de « Bedroom Eyes » en apporte un bel exemple. Ce superbe morceau d’AOR était certainement trop complexe pour les fans de hard rock, tandis que d’autres chansons étaient trop heavy pour les amateurs d’AOR. La ballade « Pull the Plug » et le pop rock « We Can have it All » confirment ces impressions. Le riff à la Scorpions vers la fin de « We Can Have it All » tranche avec les claviers progressifs et les chœurs pop.

Le terrible constat que l’on peut faire avec cet album, c’est qu’il ne contient aucun mauvais morceau, et que sa richesse a sans doute été son handicap le plus important.

  • 1. In for the Count
  • 2. Is it Over
  • 3. Slow Motion
  • 4. Undercover Man
  • 5. On My Honour
  • 6. All the Way
  • 7. Pull the Plug
  • 8. Bedroom Eyes
  • 9. We Can have it All
  • Peppy Castro – Chant
  • Bob Kulick – Guitares
  • Doug Katsaros – Claviers
  • Dennis Feldman – Basse
  • Chuck Burgi – Batterie

Label : Portrait

BLUE ÖYSTER CULT – Some Enchanted Evening (1978)

Publié trois ans après On Your Feet On Your Knees, Some Enchanted Evening est le deuxième album live de Blue Öyster Cult. Dans sa version d’origine, il ne contient aucun titre commun avec le précédent et se focalise donc sur la période qui s’étend entre les deux opus. Plus mélodique et moins direct qu’On Your Feet On Your Knees, il présente un groupe un peu plus progressif et moins influencé par le proto-punk, même si, paradoxalement, les Américains nous proposent une reprise du « Kick Out the Jams » des MC5. L’auditeur peut y savourer de longs échanges de guitares qui transcendent cinq classiques du groupe, ainsi que deux reprises, puisqu’en plus de « Kick Out the Jams » on a droit au « We Gotta Get out of This Place » des Animals. La version remasterisée de 2007 y ajoute sept titres, dont une reprise du « Born To Be Wild » de Steppenwolf, ainsi qu’une autre version de « We Gotta Get out of This Place ». Dans sa version simple, Some Enchanted Evening a toujours paru trop court aux fans et aux critiques, avec ces ajouts, il devient un live incontournable.

L’album débute par « R.U. Ready 2 Rock », un nouveau morceau extrait de Spectres (1977) qui soutient immédiatement la comparaison avec les autres compositions. Agrémenté d’un piano, de jolies interventions de guitares, il s’appuie sur un beau refrain et une construction plus subtile qu’il n’y paraît. Suit « E.T.I. (Extra Terrestrial Intelligence) », d’Agents of Fortune (1976), une chanson immédiatement adoptée par les fans, tant elle allie tout ce qu’ils aiment chez Blue Öyster Cult : un gros riff, des mélodies vocales soignées, un refrain original et énormément de guitares. Plus subtil, « Astronomy », étrangement absent du live précédent, est une pierre angulaire de la discographie du groupe, avec ses riffs subtils, ses arrangements de grande classe et ses duels de guitares. Etendue sur plus de 8 minutes, cette version est superbe.

La face B débute par la déferlante « Kick Out the Jams » qui présente la face la plus rock du groupe et qui tranche avec le reste de l’album. Déchaînés, les musiciens nous en livrent une version vitaminée. Il faut une extraordinaire version de « Godzilla », un titre issu de Spectres et devenu immédiatement incontournable pour montrer que le groupe est capable lui aussi de sortir des classiques. Il en va de même avec la bombe « (Don’t Fear) The Reaper » d’Agents of Fortune pour asseoir définitivement le groupe parmi les valeurs sûres du hard rock. En un peu plus 6 minutes, les Américains mettent tout le monde d’accord : mélodies, technique, feeling et puissance. La reprise des Animals est finalement en dessous des titres de Blue Öyster Cult, même si, à l’époque, ce ne devait pas être leur impression. Ce rock teinté de blues sied parfaitement aux Américains qui en livrent une belle version, éclipsée par les deux titres qui la précèdent.

Les ajouts de 2007 agrémentent l’album d’une version dynamitée de « ME 262 », à mon avis, meilleure que sur On Your Feet On Your Knees. Ce titre très rock se marie bien avec le puissant « Harvester of Eyes » (de Secret Treaties), dans une version presque southern rock. Tout aussi rock sudiste, « Hot Rails To Hell » est exhumé de Tyranny And Mutation (1973) et permet une bonne liaison avec le moins évident « This Ain’t The Summer Of Love », un hard rock présent sur Spectres. On saisit alors que le groupe (ou sa maison de disques) avait souhaité présenter un visage plus subtil de Blue Öyster Cult en 1978, alors qu’il proposait un set équilibré entre hard rock et rock progressif. Leur version de « Born To Be Wild » en apporte une autre preuve. Accélérée, teintée de proto-punk, elle emporte tout sur son passage, notamment grâce à une énergie débordante et un orgue omniprésent. La jam « 5 Guitars » et la nouvelle version de « We Gotta Get out of This Place » sont sans doute plus dispensables, même si elles comportent de superbes parties de guitares.

Indispensables, ces deux versions de Some Enchanted Evening nous présentent un groupe au sommet de sa forme. A noter qu’un DVD est sortie avec la version de 2007, avec des enregistrements différents et notamment « Golden Age of Leather » absent sur le CD.

  • 1. R.U. Ready 2 Rock
  • 2. E.T.I. (Extra Terrestrial Intelligence)
  • 3. Astronomy
  • 4. Kick Out the Jams
  • 5. Godzilla
  • 6. (Don’t Fear) The Reaper
  • 7. We Gotta Get out of This Place (Barry Mann, Cynthia Weil)
  • 8. ME 262
  • 9. Harvester of Eyes
  • 10. Hot Rails To Hell
  • 11. This Ain’t The Summer Of Love
  • 12. 5 Guitars
  • 13. Born to Be Wild
  • 14. We Gotta Get out of This Place (version alternative)
  • Eric Bloom – Chant, guitare, claviers
  • Donald « Buck Dharma » Roeser – Guitare solo, chant
  • Allen Lanier – Claviers, guitare
  • Joe Bouchard – Basse, chant
  • Albert Bouchard – Batterie, chant

Label : CBS

Annihilator – Schizo Deluxe (2005)

Quel chemin parcouru par Jeff Waters depuis le mythique Alice In Hell ! Le Canadien est parvenu à faire de son groupe Annihilator un incontournable de la scène metal. Encensé par tout le monde, critiques et musiciens, on se demande pourquoi ce groupe n’est pas l’égal d’un Metallica. Sans doute parce qu’il ne fait aucun compromis ! Et c’est encore le cas sur ce génial Schizo Deluxe qui revisite tout le metal depuis le heavy lent et lourd de « Maximum Satan », jusqu’au speed le plus furieux : l’excellent « Plasma Zombies », n’hésitant pas à exploser le mur du son tout en restant mélodique avec la superbe « Invite It » et l’ultra-speed « Pride ». Il se glisse même sur le terrain abandonné par Metallica avec l’énorme « Drive », tout en expliquant aux groupes de thrash (surtout ceux qui se reforment pour le fric !) comment il faut jouer : « Warbird », sans jamais perdre la patte caractéristique du groupe : des rythmes implacables, dévastateurs qui laminent comme un rouleau compresseur avant de vous découper en fines lamelles avec délicatesse, comme sur le nuancé « Too Far Gone ». On touche au génie !

Le son de batterie, comme toujours est monstrueux, les chevauchées de guitares défient les lois de la physique et la voix de David Padden se révèle excellente, bien plus variée que celle de son prédécesseur comme on peut le remarquer sur l’excellent « Invite It ». Il est indéniable qu’il a pris plus d’assurance depuis l’album précédent et que Jeff Waters lui a laissé davantage de place. Les racines du groupe sont toujours présentes, comme sur le martial et génial « Like Father, Like Gun » qui n’est pas sans rappeler un Black Label Society au meilleur de sa forme, tant les guitares sont lourdes et lorgnent du côté du metal teinté de southern rock du groupe de Zakk Wylde.

Le groupe se paie même le luxe de revenir au son et aux ambiances du précurseur Alice In Hell sur « Clare », en développant des ambiances sombres et inquiétantes, tout en y ajoutant des touches modernes du plus bel effet, notamment dans les lignes vocales qui évoquent parfois le metal alternatif. Annihilator n’hésite pas à repousser les limites du genre qu’il a lui-même participé à créer avec l’étonnant « Something Witchy », à la construction torturée. Ajoutez à cela une magnifique pochette qui reflète parfaitement les thèmes de l’album qui gravitent autour de la folie, du dédoublement de la personnalité et du fantastique et vous avez là un chef d’œuvre ! Le disque de l’année 2005 dans le genre !

  • 1. Maximum Satan
  • 2. Drive
  • 3. Warbird
  • 4. Plasma Zombies
  • 5. Invite It
  • 6. Like Father, Like Gun
  • 7. Pride
  • 8. Too Far Gone
  • 9. Clare
  • 10. Something Witchy
  • Jeff Waters – Guitares, basse, chant sur « Too Far Gone »
  • Dave Padden – Chant
  • Tony Chappelle – Batterie

Label : AFM

ZNOWHITE – Kick ‘Em When They’re Down (1985)

Considéré comme l’un des pionniers de la scène speed thrash de Chicago, Znowhite publie ce mini album un an après All Hail to Thee, son premier opus. Bénéficiant de l’aura des compilations Metal Massacre, puisqu’ils apparaissent sur le troisième volume aux côtés de Slayer, Virgin Steele, Bitch et Warlord, le groupe se taille une certaine réputation. Destiné à conforter le relatif succès de leur album, ce cinq titres déboule à toute vitesse, en s’appuyant sur la voix aiguë de la chanteuse Nicole Lee et sur les guitares affûtées de Ian Tafoya.

Cinq titres, c’est peu, mais avec l’énergie que dépense le trio, cela suffit à tout emporter sur leur passage. Le disque s’ouvre sur le speed « Live for the Weekend », qui n’est pas sans rappeler les morceaux des Allemands de Living Death. C’est ultra-rapide, parfois approximatif, mais d’une fraîcheur et d’une violence évidentes. Plus carré, malgré un son de caisse claire vraiment horrible, « All Hail to Thee » lorgne sur le thrash, mais aussi sur Savage Grace, tout en rappelant les Français de H-Bomb. Un peu confus, « Run Like the Wind » est typiquement un morceau de cette époque, avec des débuts calmes et une accélération progressive qui mène à un refrain rapide. Les guitares moulinent dans tous les sens, tandis que la chanteuse hurle à pleins poumons.

Comme il n’y a que cinq titres, le groupe ne nous laisse aucun temps mort. « Too Late » dévaste tout avec un speed teinté de punk, que n’auraient pas renié les Français de Killers. Si Nicole Lee n’est pas la meilleure chanteuse de metal, elle se donne à fond, comme le guitariste Ian Tafoya qui place quand même quelques notes à côté, mais on s’en moque. Plus mélodique et certainement plus dispensable, « Turn Up the Pain » est un tempo lent qui permet de placer quelques bonnes idées, notamment un riff piqué au « Mirror Mirror (Look Into My Eyes) » de Def Leppard. Il nous montre que le groupe peut aussi composer autre chose.

Représentatif d’une époque de foisonnement, ce mini album est une sympathique curiosité.

  • 1. Live for the Weekend
  • 2. All Hail to Thee
  • 3. Run Like the Wind
  • 4. Too Late
  • 5. Turn Up the Pain
  • Nicole Lee – Chant
  • Ian Tafoya – Guitares, basse
  • Sparks Tafoya – Batterie

Labels : Enigma, Axe Killer Records

BLUE ÖYSTER CULT – Heaven Forbid (1998)

A l’heure où Frontiers a décidé de rééditer cet album (dans une version remasterisée), sans doute serait-il intéressant de revenir sur sa version de 1998. Souvent présenté comme l’un des albums les moins réussis du groupe, Heaven Forbid est en tout cas son opus le plus heavy et le plus varié, à contre-courant de ce que les Américains ont pu faire par le passé. Sorti dix ans après Imaginos, il est construit sur des paroles en grande partie écrites par l’écrivain John Shirley qui apporte une touche de science-fiction classique à des morceaux basés sur les guitares. Les riffs sont d’ailleurs les plus épais jamais composés par Eric Bloom et Donald Roeser. Le hard rock des débuts s’est transformé en metal progressif, traversé par de belles mélodies qui tranchent avec l’énorme son déversé par les guitares et par la section rythmique en béton, notamment la batterie de Chuck Burgi.

L’album débute par un vrai hymne heavy metal, avec l’excellent « See You in Black », que l’on croirait issu d’un album d’un des piliers du genre. Les riffs sont écrasants, la section rythmique pilonne à tout va et la voix d’Eric Bloom n’a jamais été aussi agressive. Sans connaître le nom du groupe, on pourrait croire que cette chanson est l’œuvre d’Holy Mother ou Judas Priest. S’inscrivant dans l’air du temps, Blue Öyster Cult adapte la musique de son époque à son style, ce qui est encore plus flagrant sur le heavy « Power Underneath Despair » aux faux airs de Dio. A nouveau, la voix d’Eric Bloom surprend par sa puissance, tandis que le refrain est supporté par des chœurs typiquement metal. Plus rapide, à la fois teintée de blues et de metal, « Still Burnin’ » est une ode de hard rock groovy, avec un gros son et un refrain qui donne envie de chanter à tue-tête. Mêlant une nouvelle fois metal et hard rock, « Hammer Back » fait la part belle aux guitares, sans pour autant oublier un apport mélodique sur le refrain et dans les arrangements. Etrange, puissant, angoissant, ce morceau est une réussite, avec ses connotations hispanisantes dans le solo de guitares complétement déjanté.

Les fans de la première heure, déroutés par ces morceaux, peuvent se rattraper sur certaines chansons plus typiques du groupe, comme « Harvest Moon », propulsée par un riff gorgé de groove et des lignes mélodiques pleines de nuances. Coincée entre deux titres metal, elle tranche volontairement pour apporter davantage de contrastes sur cet album. Il en va de même, avec la pop-jazz-rock « X-Ray Eyes », à la construction alambiquée, mais au refrain simple et efficace. Tout aussi classique, « Live for Me » est une bonne chanson signée Buck Dharma qui se construit autour de jolies mélodies vocales et d’arrangements subtils, à l’image de ce que le groupe a toujours proposé. Une nouvelle fois, les guitares s’y livrent à de beaux solos.

Plus étrange, « Damaged » est une chanson funk/soul, typique des années 1970, construite sur des rythmiques enjouées et un orgue aigu. Cette chanson contraste avec le blues « Cold Gray Light of Dawn » au refrain pour le moins étonnant, mais qui permet une nouvelle fois aux guitares de nous prouver qu’elles sont au centre des compositions du groupe. Plus delta blues, « Real World » est un superbe titre de classic rock, sans doute pas reconnu à sa juste valeur, qui évoque à la fois Creedence Clearwater Revival et Robert Johnson. Etonnant, mais ô combien réussi. En bonus, une version live du morceau « In Thee », issu de Mirrors, qui n’était pas indispensable.

Heaven Forbid est un album injustement mésestimé, sans doute parce qu’il ne propose pas de direction musicale assez claire et que sa pochette dérange.

  • 1. See You in Black
  • 2. Harvest Moon
  • 3. Power Underneath Despair
  • 4. X-Ray Eyes
  • 5. Hammer Back
  • 6. Damaged
  • 7. Cold Gray Light of Dawn
  • 8. Real World
  • 9. Live for Me
  • 10. Still Burnin’
  • 11. In Thee [Live]
  • Eric Bloom – Guitares, claviers, chant sur 1, 3, 5 et 7
  • Buck Dharma – Guitares, claviers, chœurs sur 2, 4, 6, 8-11=
  • Allen Lanier – Guitares, claviers
  • Danny Miranda – basse sur 1, 4-9, 11, chœurs
  • Jon Rogers – basse sur tracks 2, 3 et 10, chœurs
  • Bob Rondinelli – Batterie sur 9
  • Chuck Burgi – Batterie sur 1-8 and 10, chœurs

Label : CMC, Frontiers

JOURNEY – Frontiers (1983)

Neuvième album des Américains, Frontiers est un excellent exemple du son de Journey au début des années 1980, à savoir un savant mélange d’AOR et de hard rock. Deux ans après le succès d’Escape, le groupe livre un album incontournable de sa discographie dont plusieurs singles se classeront dans les charts du monde entier. Savant mélange de gros riffs entraînants, de nappes de claviers justement dosées et de lignes vocales mélodiques, chaque titre entraîne l’auditeur dans un univers coloré, souvent enjoué, parfois mélancolique, mais jamais négatif. Cette volonté de conduire les fans du côté lumineux de la musique permet à Frontiers de demeurer plus de trente-cinq ans après une pierre angulaire du genre.

S’ouvrant sur l’excellent « Seperate ways (Worlds apart) » qui lui donne un élan contagieux, cet opus frappe par son intelligence créatrice, la variété de ses ambiances et ses qualités d’écriture. Portée par la superbe voix de Steve Perry et par les guitares de Neal Schon, cette chanson est une petite pépite qui s’écoute en boucle. Elle marque aussi les amours de Journey avec le hard rock, comme c’est également le cas de « Chain Reaction », encore plus puissante, sur laquelle Neal Schon nous prouve qu’il est un guitariste sous-coté. Autre incursion dans le hard rock, « Edge of the Blade » est une composition rapide, à l’atmosphère étrange et nuancée, dont les couplets mènent à un refrain original, chanté d’une voix de maître par Steve Perry, puis à de majestueux échanges entre les claviers et les guitares. Du grand art pour un titre mésestimé.

En explorant différentes voies, Journey surprend d’un titre à l’autre. Avec « Back Talk », le groupe flirte avec le rap, le hard rock voire le metal. Basé sur un travail étonnant de Steve Smith qui tient le morceau à bout de baguettes et sur la diction de Steve Perry, « Back Talk » permet aussi à Neal Schon de se fendre de son solo certainement le plus heavy de sa carrière. Faisant le lien entre le hard rock et l’AOR, « Rubicon » clôt cet album sur une superbe réussite, au refrain entêtant et à la construction d’une simplicité étonnante : les claviers soutiennent les riffs par des notes longues, avant de se laisser aller lors du solo. Les sonorités en accords majeurs nous transportent vers un monde joyeux, ce qui permet de refermer ce disque le sourire aux lèvres, surtout que d’autres chansons nous ont aussi emportés par leurs mélodies.

Plus mélancolique, « Send her my love » est une pure merveille d’AOR, intelligente, pleine de douceurs, sur laquelle Steve Perry se révèle à son meilleur niveau. Dans un esprit similaire, « After the fall » est un mid-tempo de grande qualité, entraînant et bourré de groove, qui permet d’admirer le jeu de Ross Valory et de chanter avec le groupe. Tout aussi addictif, « Troubled Child » est une fausse ballade, portée par de subtiles lignes de guitares, qui montent en intensité, jusqu’à un magnifique refrain plein de finesses. Une nouvelle fois, Neal Schon et Jonathan Cain prouvent tout leur talent, comme c’est aussi le cas sur « Frontiers », un titre proche de Yes, avec sa construction complexe, ses riffs jazz rock, ses arrangements de claviers futuristes et son rythme saccadé. Seule vraie ballade de l’album, « Faithfully » est une petite merveille au piano, qui s’épaissit à ses deux-tiers par l’ajout des autres instruments. Sa construction intelligente et le chant passionné de Steve Perry en font un vrai slow comme on les aimait à l’époque.

Frontiers est un chef-d’œuvre de hard FM qui ne possède aucun titre faible. Après sa sortie, le groupe s’envole pour une large tournée qui fera l’objet d’un documentaire Frontiers & Beyond. Lors de sa réédition en CD en 2006, il sera agrémenté de quatre morceaux supplémentaires : « Only The Young » (BO du film Vison Quest de 1985), « Ask the Lonely » (BO du film Seconde Chance de 1983), « Only Solutions » (BO du film Tron de 1982) et « Liberty » qui sont tout aussi indispensables. Si vous ne possédez pas cet album, il faut se ruer dessus.

  • 1. Seperate ways (Worlds apart)
  • 2. Send her my love
  • 3. Chain Reaction
  • 4. After the fall
  • 5. Faithfully
  • 6. Edge of the Blade
  • 7. Troubled Child
  • 8. Back Talk
  • 9. Frontiers
  • 10. Rubicon
  • Steve Perry – Chant
  • Neal Schon – Guitare, chœurs
  • Ross Valory – Basse, chœurs
  • Jonathan Cain – Claviers, guitares, chœurs
  • Steve Smith – Batterie, percussions, chœurs

Label : Columbia

ANGEL – Sinful (1979)

D’abord intitulé Bad Publicity (il existe d’ailleurs quelques rares tirages de cette pochette), Sinful paraît en janvier 1979 avec le même line-up que pour l’album précédent. L’évolution de la musique, déjà perçue lors de la sortie de White Hot, se poursuit. Les compositions lorgnent sur l’AOR, avec des refrains qui rappellent parfois certains morceaux de Kiss, comme pour le mélodique « L.A. Lady ». Les guitares sont mixées très en arrière et sont la plupart du temps supplantées par les claviers ou par les voix mixées très en avant. La production, une nouvelle fois confiée à Eddie Leonetti, ne brille pas par sa puissance, faisant de Sinful l’opus le moins rock du groupe. Certains titres peuvent même être qualifiés de pop rock, tant la hargne a disparu. C’est notamment le cas du récursif « Just Can’t Take It » qui s’appuie sur un refrain répété jusqu’à plus soif ou du mièvre « You Can’t Buy Love » qui ne possède plus aucun point commun avec les débuts du groupe.


Les fans de la première heure se retrouvent donc orphelin d’une musique qui alliait puissance et mélodies. Ces caractéristiques se retrouvent sur quelques titres, comme « Don’t Take Your Love », un bon AOR basé sur un riff intéressant, ou encore « Bad Time », totalement massacré par une production dépourvue de dynamique. C’est bien dommage, car Punky Meadows se fend d’un beau solo. Lorsque ce dernier nous offre un titre glam-rock, comme « Wild and Hot », il ne peut pas développer ses parties de guitares et même ses riffs plaqués sonnent presque dans le vide, comme s’ils manquaient d’épaisseur.


Cette tendance à tout affadir est présent sur chaque morceau. Ainsi, « I’ll Never Fall in Love Again » s’embourbe dans des arrangements sucrés, pendant que « I’ll Bring the Whole World to Your Door », qui aurait pu faire un très bon morceau de hard rock est émasculé. Ce constat est terrible, car le riff de base est vraiment gorgé de groove, mais il est noyé sous des nappes de claviers. L’omniprésence de Leonetti n’y est certainement pas étrangère, puisqu’il co-signe ce morceau pour en faire de la soupe. L’album se clôt d’ailleurs sur « Lovers Live On », une chanson pop-rock, pas désagréable, mais en deçà des standards du groupe.


Malgré un succès très relatif, Sinful, qui fut pendant vingt ans le dernier album studio du groupe, est loin d’être une réussite. Sa remasterisation lui a apporté un peu plus de puissance, mais sans doute pas suffisamment pour en faire un album correct.

  1. Don’t Take Your Love
  2. L.A. Lady
  3. Just Can’t Take It
  4. You Can’t Buy Love
  5. Bad Time
  6. Waited a Long Time
  7. I’ll Bring the Whole World to Your Door
  8. I’ll Never Fall in Love Again
  9. Wild and Hot
  10. Lovers Live On
  • Frank DiMino – vocals
  • Punky Meadows – guitars
  • Felix Robinson – bass guitar
  • Barry Brandt – drums
  • Gregg Giuffria – keyboards

Labels : Casablanca, Mercury.

TONY IOMMI AND GLENN HUGHES – Fused (2005)

Un peu oublié, ce Fused possède d’énormes qualités qu’il serait bon de rappeler. Alors que Black Sabbath est dans une période assez noire, sans aucune sortie ni tournée, Tony Iommi (guitariste de Black Sabbath) a appelé son ami Glenn Hughes (ex bassiste/chanteur de Deep Purple, Trapeze…) pour qu’il vienne placer une nouvelle fois sa superbe voix sur un album solo. Et cela nous donne un disque superbe, très chaud, très hard et très soul, qui renvoie aux albums de Glenn, plus qu’à ceux de Black Sabbath. Ces compositions, pulsées par la basse et la voix de Glenn Hughes, nous montrent que Tony Iommi n’est pas uniquement un guitariste de heavy metal et qu’il est également capable d’apporter du groove dans ses riffs.

En effet, les changements d’atmosphères et de motifs sont nombreux. Les titres heavy sont présents, comme en atteste l’écrasant et inquiétant « Face Your Fear », aux ambiances orientales et le nuancé « I Go Insane » qui surprend l’auditeur par ses variations d’intensités et ses guitares insidieuses. Elles s’insinuent sur cet album, comme pour nous rappeler ce qu’a créé Tony Iommi, un des maîtres de la guitare ayant influencé plusieurs générations de musiciens. On perçoit ainsi des thèmes abordés par Black Sabbath, sur le puissant et lourd « Saviour Of The Real » qui nous donne envie de secouer la tête en cadence et de taper du pied.

Les compositions sont d’excellente qualité. « Dopamine » ouvre le bal sur un hard rock racé, supporté par un riff énorme et propulsé par un groove communicatif qui mène jusqu’à un refrain comme seul Glenn Hughes sait en écrire. Plus lent, « Wasted Again » évoque davantage les albums solos du bassiste anglais et annonce étrangement ce qu’il va produire avec Black Country Communion. Dans un style presque hard FM, la ballade « Deep Inside A Shell » nous présente une face plus intimiste du duo, tandis que la bombe « What You’re Living For » déboule pour nous cueillir avec son riff vrombissant et son refrain envoûtant.

On a du mal à trouver des points faibles sur cet album, tant il respire le talent. Le chant est exceptionnel, les guitares bien grasses, la production épaisse et claire. Les ambiances savent être feutrées : « Resolution Song », tout en laissant poindre une angoisse qui ne tarde pas à surgir. Rien à jeter, rien à redire, nous avons affaire à des professionnels, mais surtout à des musiciens qui aiment ce qu’ils font et qui aiment nous le faire partager. Fused est un album que l’on n’attendait pas à ce niveau, on avait tort. Des incursions dans le fantastique, l’étrange et l’angoisse donnent une dimension supplémentaire à ce disque qui se termine sur une chanson évoquant la folie. Il y a de quoi devenir fou de bonheur avec une telle galette ! Jetez-vous dessus et essayez de dénicher Eight Stars, un album enregistré par le duo en 1996 et qui n’est sorti qu’en bootleg.

  • 1. Dopamine
  • 2. Wasted Again
  • 3. Saviour Of The Real
  • 4. Resolution Song
  • 5. Grace
  • 6. Deep Inside A Shell
  • 7. What You’re Living For
  • 8. Face Your Fear
  • 9. The Spell
  • 10. I Go Insane
  • Tony Iommi – Guitares
  • Glenn Hughes – Chant, basse
  • Bob Marlette – Claviers, basse.
  • Kenny Aronoff – Batterie, percussions

Label : Sanctuary

BLUE ÖYSTER CULT – Blue Öyster Cult (1972)

Formé sur les cendres de The Stalk-Forrest Group qui a enregistré un album jamais publié par son label Elektra, Blue Öyster Cult sort son premier album éponyme en 1972, à contrecourant de ce qui se fait à l’époque. Mêlant rock, hard rock et musique progressive à des éléments psychédéliques et des motifs issus du blues, le quintet surprend par la complexité de ses compositions, l’aura mystérieuse qui entoure la signification de son nom et de son logo, ainsi que les thèmes de scientifiction abordés dans ses chansons. S’appuyant sur des compositions singulières, qui permettent aux riffs, aux claviers et aux mélodies vocales d’occuper des places équivalentes, les Américains livrent dix titres envoûtants.

Il suffit d’écouter l’étonnant « Before the Kiss, A Redcap » pour s’en convaincre. Basé sur un motif entêtant bourré de groove, au refrain enivrant, ce morceau propose ensuite un break jazz rock, qui permet d’apprécier la technique des guitaristes. Les influences blues-boogie y sont évidentes, comme sur l’excellent « I’m on the Lamb but I Ain’t No Sheep » qui provient de The Stalk-Forrest Groupe et qui plonge aux mêmes racines que Thin Lizzy ou ZZ Top. Ce morceau enlevé donne lieu à des duels de guitares époustouflants et à des lignes vocales complexes du plus bel effet. Dans le même esprit, et sans doute meilleur encore, « Stairway to the Stars » est une vraie pépite au riff sautillant, issu d’un douze mesures classique, mais que Blue Öyster Cult parvient à magnifier grâce à des arrangements subtils. Poussant cette exploration à son paroxysme, le groupe nous livre une sorte de southern rock teinté de pop-rock anglais avec « Redeemed » qui clôt cet opus dans un envol de guitares mélodiques et inventives.

« Transmaniacon MC » avait d’ailleurs donné un bel aperçu de ces qualités dès ses premières mesures. Néanmoins, les influences blues étaient incorporées à un proto-punk proche des MC5 que tempéraient aussi des motifs progressifs et psychédéliques. Inquiétant, énigmatique, ce morceau symbolise un groupe mystérieux qui ne fait déjà rien comme les autres. Cela se confirme sur le futur hit qu’est « Cities on Flame with Rock and Roll », un hymne rock quasiment anticipatif, qui joue avec des atmosphères énigmatiques. Eric Bloom et Buck Dharma y montrent déjà toute leur science du riff et du solo. Hésitant entre la puissance et la mélodie, sans jamais vouloir choisir, Blue Öyster Cult repousse les frontières du rock. Le mélange entre le proto-punk américain et la vague anglaise conduite par les Who se concrétise sur « Workshop of the Telescopes », une ode à la guitare et aux ambiances décalées.

Dans un registre plus psychédélique, « Then Came the Last Days of May » calme le jeu pour une chanson pleine de nuances qui sent bon les substances hallucinogènes, comme c’est aussi le cas du planant « Screams », dominé par des effets un peu datés sur les voix et des claviers typiques de cette période. Mais ce n’est rien à côté de l’obscur « She’s As beautiful as a Foot » qui est mené par un subtil et entêtant riff de guitares, même si l’auditeur ne saisit absolument rien aux paroles. Ces trois compositions symbolisent un groupe en partie inaccessible, mais qui fascine par sa capacité à construire des morceaux uniques.

Avec ce premier album, Blue Öyster Cult inscrit immédiatement son nom au panthéon du rock et du hard rock.

  • 1. Transmaniacon MC
  • 2. I’m on the Lamb but I Ain’t No Sheep
  • 3. Then Came the Last Days of May
  • 4. Stairway to the Stars
  • 5. Before the Kiss, A Redcap
  • 6. Screams
  • 7. She’s As beautiful as a Foot
  • 8. Cities on Flame with Rock and Roll
  • 9. Workshop of the Telescopes
  • 10. Redeemed
  • Eric Bloom – Chant, guitares, claviers
  • Donald « Buck Dharma » Roeser – Guitares, chœurs, chant principal sur 3 et 5
  • Joe Bouchard – Basse, chœurs, chant principal sur 6
  • Albert Bouchard – Batterie, chœurs, chant principal sur 8
  • Allen Lanier – Claviers, guitares

Label : Columbia

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