INHEPSIE – Onirique (2019)

Inhepsie est un groupe français qui propose une musique atmosphérique sur laquelle vient se poser un chant féminin aux paroles poétiques. Cette direction musicale, déjà empruntée sur les trois précédents albums, se confirme avec brio sur cet Onirique qui porte bien son titre.

Avant toute chose, je dois avouer que je ne suis pas le cœur de cible de ce style musical. D’habitude, les groupes, sous couvert de metal atmosphérique, nous proposent une soupe indigeste, comme c’est le cas du blackgaze ou de toute cette vague shoegazing dont je ne préfère pas nommer les formations ou les one-man bands qui ne proposent que du easy listening insipide. Ce n’est absolument pas le cas avec Inhepsie qui s’appuie sur une assise instrumentale solide, notamment une section rythmique typiquement metal. Le travail de la batterie sur « L’autre réalité » est impressionnant par exemple. Il en va de même pour les guitares qui tissent des riffs ou des solos soignés : « Est-ce important ». Cela permet non seulement de supporter la voix mélodique, mais jamais sirupeuse, de Cathy Bontant et de soutenir des arrangements subtils, comme ces sonorités de piano sur « Ce sentiment », un morceau subtil, dont la construction touche au sublime.

Dès « Ode à la nuit », l’auditeur est capté par l’univers poétique d’Inhepsie et notamment par des paroles finement ciselées, qui jouent sur des répétitions de vers, des allitérations et des assonances littéraires. On sent que chaque mot a été soigneusement choisi, comme c’est aussi le cas pour les accords et les chœurs qui nous entraînent dans cette balade nocturne. Si les paroles sont importantes, les guitares ne sont pas laissées de côté. Sur « L’indifférence », ce sont elles qui ouvrent le bal pour une chanson pleine de nuances, où les changements de tonalités permettent de ne jamais laisser l’auditeur s’endormir.  

Avec « Oublier qui je suis », Inhepsie brouille les pistes. Après un démarrage nuancé et léger, les guitares entrent en scène pour nous cueillir par surprise, avant que des arrangements grandioses n’épaississent ce morceau pour nous conduire vers un metal progressif de haute qualité. En effet, le groupe est capable de lâcher les chevaux sans jamais quitter son objectif de qualité, jouant les funambules entre ombre et lumière. Le sommet est, à mes yeux et à mes oreilles, atteint sur « Funambule » (eh oui, j’ai osé), dont l’équilibre atteint une réelle perfection. La fin du morceau donne des frissons dans le dos.

Pour les amateurs de titres plus calmes, « L’instant égaré » et « Onirique » proposent des plages subtiles et reposantes, sur lesquelles le chant développe des harmonies que viennent rehausser des chœurs savamment équilibrés. L’album se termine en apothéose sur « Regrets », dont il faut retenir le superbe solo et le bel équilibre entre douceur et puissance. En plus de cinquante minutes sans temps mort, Inhepsie nous prouve qu’il est possible de composer un metal de qualité, chanté dans un français soigné, poétique et recherché, sans jamais ennuyer l’auditeur. J’en suis moi-même étonné, et pour me surprendre, il faut réellement proposer quelque chose de novateur. Quant aux paroles, elles sont d’une qualité exceptionnelle pour un disque, bien loin de la médiocrité ambiante que l’on entend de nos jours, tous genres confondus. Chapeau bas.

Denis Labbé

  • 1. Intro
  • 2. Ode à la nuit
  • 3. L’autre réalité
  • 4. Est-ce important
  • 5. L’indifférence
  • 6. Ce sentiment
  • 7. Oublier qui je suis
  • 8. L’instant égaré
  • 9. Funambule
  • 10. Onirique
  • 11. Regrets
  • Adrien Rougé : guitare
  • Cathy Bontant : chant, claviers
  • Daniella Coulon : basse
  • Dany Ladrat : batterie
  • Jean Suire : guitare

Label : Dooweet agency

THE OUTLAWS – Legacy Live (2016)

Avec le succès de Blackberry Smoke, peut-être serait-il temps de (re)découvrir les Sudistes de The Outlaws qui, quatre décennies avant eux, ont commencé à mêler rock sudiste, hard rock et country, comme en témoignent leurs trois premiers albums The Outlaws (1975), Lady in Waiting (1976) et Hurry Sundown (1977), ou le plus heavy Ghost Riders (1980). Avec cet excellent double live, enregistré en 2015, le groupe nous montre qu’il est toujours bien vivant, et ce, après la perte de trois de ses membres fondateurs. Peu de jeunes groupes sont capables de nous offrir une telle débauche d’énergie, de titres imparables et de mélodies savamment choisies.

Sous la direction d’Henry Paul (guitare, chant) et de Monte Moho (batterie), le sextet nous prouve, avec cette tournée symbolisant les quarante ans du groupe, que The Outlaws est capable de retourner une salle en délivrant des duels de guitares absolument uniques : « Freedom Man », le classique « Green Grass & High Tides Forever » et le superbe « (Ghost Riders) in the Sky » tiré d’un classique de la culture américaine, mais aussi des harmonies vocales que ne renieraient pas The Eagles : le country « Song in the Breeze », la fausse ballade « So Long » qui n’est qu’un prétexte aux envolées lyriques et le très sudiste « Cold Harbor ». Aussi, en vingt-un titres, l’auditeur est transporté dans un univers qui peut, tour à tour, l’enjôler : le poignant « Girl From Ohia » et l’excellent « The Prisoner » aux nombreux changements de rythme, le renverser : le puissant « Born to Be Bad », ou le happer dans un irrésistible tourbillon : le dansant « South Carolina » et l’entraînant « Waterhole ». Tout cela, dans une unité qui n’est jamais remise en défaut : le génial « Hurry Sundown ».

Aucune faute de goût sur cette petite pépite live qui permet de saisir la puissance, la mélodicité et l’originalité d’un groupe qui, à l’instar d’un Point Blank, est apprécié des connaisseurs, mais ignoré par le grand public, sans doute dissimulé derrière les locomotives du genre que sont Lynyrd Skynyrd, Molly Hatchet ou Blackfoot. Et c’est bien dommage…

Grâce à ce double CD, à la production impeccable, à la set-list sans aucune erreur et à la qualité des titres proposés, The Outlaws devraient attirer de nouveaux fans et ouvrir les oreilles à ceux qui sont capables de reconnaître le talent lorsqu’il se présente. Espérons que cela augure d’une venue en France, parce qu’à part avec la tournée avec Molly Hatchet en 1983, les fans du groupe n’ont pas eu grand-chose à se mettre sous la dent et qu’il aurait fallu se rendre au Sweden Rock Festival pour les voir en 2009. Evidemment, cela ne permet pas de se bâtir une solide fan base.

Avant qu’ils posent les pieds sur notre sol, délectez-vous de ce superbe live qui égale le fameux Bring it Back Alive (1978) et permet de découvrir deux titres du Henry Paul Band (« Grey Ghost » et « So Long »), au milieu de ce mélange de classiques et de titres plus récents. Aucune faute de goût sur cette petite pépite live. The Outlaws est un groupe actif et qui nous le prouve avec un indéniable talent dans ce Legacy Live qui ne devrait pas dépareiller votre discothèque.

  • CD1
  • 1. Intro
  • 2. There Goes Another Love Song
  • 3. Hurry Sundown
  • 4. Hidin’ Out In Tennessee
  • 5. Freeborn Ma
  • 6. Born To Be Bad
  • 7. Song In The Breeze
  • 8. Girl From Ohio
  • 9. Holiday
  • 10. Gunsmoke
  • 11. Grey Ghost
  • CD2
  • 1. South Carolina
  • 2. So Long
  • 3. Prisoner
  • 4. Cold Harbor
  • 5. Trail Of Tears
  • 6. It’s About Pride
  • 7. Waterhole
  • 8. Knoxville Girl
  • 9. Green Grass & High Tides Forever
  • 10. (ghost) Riders In The Sky
  • Henry Paul : Guitares, chant
  • Chris Anderson : Guitares, chant
  • Steve Grisham : Guitares, chant
  • Randy Threet : Basse, chant
  • Dave Robbins : Claviers, chant
  • Monte Yoho : Batterie

Label : Steamhammer

THE NEAL MORSE BAND – The Similitude of a Dream (2016)

Les amateurs de rock progressif, soigné, intelligent, puissant et ambitieux vont se délecter de ce nouvel opus signé par le Neal Morse Band, au sein duquel, on retrouve, outre le guitariste-chanteur Neal Morse, le batteur Mike Portnoy, le bassiste Randy George, ainsi que le guitariste Eric Gillette et le claviériste Bill Hubauer. Autant dire que ces cinq musiciens savent jouer et mettre en place des ambiances magiques, aussi bien en respectant les codes du genre qu’en explorant de nouveaux espaces. Tout au long de l’heure quarante-cinq que dure ce voyage, l’auditeur est transporté dans un concept basé sur Le Voyage du Pèlerin de John Bunyan, qui évoque la quête initiatique de Christian, désireux de quitter la cité de la destruction pour atteindre celle de Sion. Autant dire que le pari était risqué, mais avec des musiciens de la trempe de ceux-ci, le pari est relevé, et avec brio.

En vingt-trois morceaux, le groupe nous entraîne dans des univers multicolores, qui font la part belle aux claviers : « We Have Got to Go », « The Slough » ou « e », mais aussi aux refrains entêtants : l’excellent « City of Destruction » qui est l’un des points culminants de l’album ou « Back to the City » aux arrangements pop et aux nombreux changements de rythmes, sans jamais délaisser la puissance comme sur le jazz rock : « Draw the Line » qui flirte avec le hard rock. Chaque chanson est une découverte qui apporte un cachet supplémentaire à l’ensemble, nous invitant à revisiter quatre décennies de rock et de progressif comme sur « The Way of Fool » qui renvoie aux Beatles et à Queen ou le country rock acoustique « Freedom Song » que n’aurait pas renié Led Zeppelin. Ainsi, The Neal Morse Band rend hommage aux pères du genre : à The Who sur « I’m Running », à Pink Floyd avec « The Dream » ou aux premiers Genesis sur « Breath of Angels », mais tout cela est fait avec un tel talent qu’on perçoit à chaque fois la patte du groupe.

Ainsi, cette réécriture du Voyage du Pèlerin nous offre-t-elle des moments savoureux qui raviront tous les amateurs de rock. Comment résister au superbe « So Far Gone » qui possède tous les atouts d’un morceau incontournable avec son refrain ciselé, ses solos impressionnants de fluidité et ses nappes de claviers qui teintent l’ensemble ? Comment ne pas s’extasier face à « Confrontation » qui revisite le rock progressif, en y ajoutant des climats inquiétants, des duels de voix et de guitares, tout en reprenant des éléments de « City of Destruction », pour mieux ouvrir sur « The Battle » qui mêle influences des années soixante-dix et éléments de musique classique. Du grand art !

The Neal Morse Band vient d’accoucher d’un chef-d’œuvre qui devrait propulser le groupe vers les sommets du genre. N’hésitez pas à prendre votre bâton pour accompagner ces musiciens dans leur recherche de la cité idéale. Je ne sais s’ils l’ont trouvée, mais en tout cas, ils nous indiquent parfaitement le chemin.

  • Disc 1
  • 1. Long Day
  • 2. Overture
  • 3. The Dream
  • 4. City Of Destruction
  • 5. We Have Got To Go
  • 6. Makes No Sense
  • 7. Draw The Line
  • 8. The Slough
  • 9. Back To The City
  • 10. The Ways Of A Fool
  • 11. So Far Gone
  • 12. Breath Of Angels
  • TOTAL TIME: 51:59
  • Disc 2
  • 1. Slave To Your Mind
  • 2. Shortcut To Salvation
  • 3. The Man In The Iron Cage
  • 4. The Road Called Home
  • 5. Sloth
  • 6. Freedom Song
  • 7. I’m Running
  • 8. The Mask
  • 9. Confrontation
  • 10. The Battle
  • 11. Broken Sky/Long Day Reprise
  • Neal Morse : Chant, claviers, guitares, percussions, mandoline
  • Bill Hubauer : Orgue, piano, synthesizers, chant
  • Eric Gillette : Guitares, chant
  • Randy George : Basse
  • Mike Portnoy : Batterie, chant

Label : Radiant Records

MY REGIME – Deranged Patterns (2017)

Etrange signature que My Regime sur le label Scarlet Records, plutôt habitué aux courants mélodiques ou progressifs. Car ce groupe suédois, qui sort son deuxième album, est adepte d’un thrash proche de celui de la Bay Area dans les années 1980 : « Time Slipping Out Of Tune » ou de la vague allemande de la même époque : « I Am » renvoie à Living Death ou aux premiers Kreator, avec quelques touches progressives : « Rays Of Grey » ; autant dire très éloigné de ce qu’on a l’habitude de trouver dans le catalogue italien. Pour autant, My Regim n’est pas dénué d’intérêt, notamment grâce à des riffs envoûtants : « Off To War » et des arrangements soignés : « Surreal Reality ».

Dès les premières mesures de « Deranged Patterns », on comprend que le groupe n’est pas là pour faire dans le consensuel, puisque ce premier morceau en guise d’introduction n’est qu’un long solo de batterie qui donne le ton au reste de l’album. On ne s’étonne donc pas de trouver une batterie omniprésente, comme sur « The Sound Of Dying Dreams » qui évoque Flotsam And Jetsam ou certains passages des premiers Metallica.

Vous l’aurez compris, My Regime ne fait pas dans la dentelle, même si le groupe sait ménager certaines plages plus calmes avant de déverser à nouveau dans nos oreilles des riffs meurtriers que ne renierait pas Slayer : « Nervous Fort », « The Smiling Dog ». Après plusieurs écoutes, il est aisé de comprendre que les musiciens possèdent un bagage technique et musical assez complet, ce qui n’est pas étonnant lorsqu’on étudie le line-up, puisqu’il comprend Spice au chant (Spiritual Beggars, Kayser), Bob Ruben à la batterie, compagnon de Spice chez Kayser et batteur de Band Of Spice, le bassiste Alexander Sekulovski (Mushroom River Band) ainsi que Marvin Kairenius à la guitare. Si My Regime ne révolutionne pas le thrash, Deranged Patterns nous donne un bon uppercut au foie, et c’est ce que l’on demande à un album de ce style.

  • 1. Deranged Patterns
  • 2. Time Slipping Out of Tune
  • 3. Rays of Grey
  • 4. Off to War
  • 5. I Am
  • 6. The Sound of Dying Dreams
  • 7. Nervous Fort
  • 8. The Smiling Dog
  • 9. The Cage
  • 10. Silver
  • 11. Surreal Reality
  • Spice : Chant
  • Bob Ruben : Batterie
  • Alexander Sekulovski : Basse
  • Marvin Kairenius : Guitare

Label : Scarlet Records

BATTLESWORD – And Death Cometh Upon Us (2019)

Battlesword débarque d’Allemagne avec un quatrième album de death mélodique puissant, racé, axé sur les guitares, qui nous entraîne quelque part entre le death d’un Dark Tranquillity et celui d’In Flames, le chant guttural en plus, comme nous le montre l’écrasant « Ageless, I´m Reborn ». L’auditeur semble donc se trouver en terrain balisé par l’école de Göteborg, et pourtant Battlesword nous apporte d’autres éléments, comme sur le heavy death « The Lion And The Eagle » que viennent éclairer des guitares aux nombreux changements de tonalités. Elles passent ainsi de riffs écrasants à l’accordage très bas à des interventions plus lumineuses qui tranchent avec les propos sombres du chanteur. Développant un thème épique, il nous transporte dans un monde de combats qu’appuient les rythmes changeants. Plus étonnant encore, « Once » démarre par des guitares aériennes avant que la voix d’Axel Müller ne vienne tout écraser pour se faire à nouveau chasser par des solos plutôt fins. La construction étrange de ce morceau surprend et envoûte, nous montrant que Battlesword sait innover.

Pourtant, l’album avait commencé de manière plutôt classique avec un enchainement de titres évoquant Amon Amarth, non seulement dans la manière de mettre en place des riffs tourbillonnants, mais également dans ses lignes vocales. Ainsi « Bloodmorning » ouvre sur un death mélodique rapide que vient écraser la voix grave d’Alex. Plus rapide et plus proche encore des Suédois pré-cités, « Serpents Amongst Us » évoque les morceaux de Twilight of the Thunder Gods, tout en développant des thèmes plus proches de Dark Tranquillity lors de ses ralentissements. A l’opposé, le puissant et rapide « Smothered » est un death dévastateur, adossé à un riff tourbillonnant et une section rythmique efficace qui évoque, par moments, Obscurity. Malheureusement, le son de la batterie manque parfois de profondeur et de dynamique, ce qui est bien dommage.

C’est d’ailleurs l’un des reproches que l’on peut faire à cet album trop souvent saturé de graves. Cela dessert un morceau comme « Falling Into The Arms Of Morpheus » qui aurait trouvé davantage de force avec une production plus subtile. Il n’empêche qu’And Death Cometh Upon Us est un bon album de death mélodique qui manie parfaitement les codes du genre et se permet également de défricher de nouvelles sentes. L’album se termine d’ailleurs sur l’étonnant « At Night They Feast » qui flirte avec les limitations de vitesse pour mieux nous cueillir avant de nous lâcher. Battlesword est un groupe à découvrir.

  • 1. Into Battle
  • 2. Bloodmorning
  • 3. Serpents Amongst Us
  • 4. Smothered
  • 5. Through Thy Shadows
  • 6. Ageless, I´m Reborn
  • 7. Falling Into The Arms Of Morpheus
  • 8. The Lion And The Eagle
  • 9. Once
  • 10. At Night They Feast
  • Axel Müller – Chant
  • Christian Schmitz – Guitares
  • Micha Klingen – Guitares
  • Ben Bays – Basse
  • Andreas Klingen – Batterie

Label : Black Sunset/MDD

MORTUARY – The Autophagous Reign (2019)

Originaire de Nancy, Mortuary est un groupe de death metal qui écume les scènes hexagonales et européennes depuis la fin des années 1980. Adepte d’une musique puissante, directe, nourrie à la fois par l’école suédoise et par le thrash allemand, le quintet nous livre un nouvel album trois après Nothingless than Nothingness qui avait fait suite à six années de silence discographique. Il faut dire que les Lorrains sont assez coutumiers du fait. Après leur excellent Agony In Red (qui annonçait ironiquement la mort rapide de leur label Anvil corp), il avait fallu attendre huit ans pour les voir réapparaître. Qu’à cela ne tienne, The Autophagous Reign propose une belle série de déflagration qui débute par le monstrueux « Delete/Replace », sorte de clin au « Refuse/Resist » de Sepultura, dont il reprend les codes thrash/death pour le plus grand plaisir de l’amateur de musique extrême. Mené par la voix hallucinée de Patrick Germonville et un riff tourbillonnant, ce morceau écrase tout sur son passage, avant de laisser la place à « The Sapiens Order » une déferlante speed death du plus bel effet. Sur celui-ci, c’est la section rythmique qui prend le dessus, grâce à un rythme épileptique. On se rend compte alors que le son, très sec, favorise la mise en avant du duo basse/batterie.

Ce n’est pas toujours le cas d’ailleurs. Sur « Dominate Modus Operandi », la voix écrase tout, ce qui est dommage, car un mixage plus dynamique aurait apporté davantage de puissance à ce death metal jusqu’au-boutiste. Le constat est identique sur l’énorme « Disposable », dont le refrain, hurlé, est soutenu par des guitares inquiétantes avant que le morceau ne soit relancé par un riff tourbillonnant. Mortuary prouve qu’il n’a rien à envier à Vader ou Entombed, ni en matière de puissance ni en inventivité. La preuve sur « Recycled » qui flirte avec le hardcore d’un Nuclear Assault, avant d’inclure des guitares dissonantes et un riff heavy qui ralentit le rythme. Le mélange des genres permet une respiration qui ouvre sur une partie groovy. « Cheptel » surprend également par son humour noir (les bêlements), ses paroles en français et ses changements de rythmes incessants. On touche au grindcore et au hardcore en même temps, pour mieux se faire cueillir par le heavy death « Monuments » qui clôt les hostilités de fort belle manière. Les riffs typiquement death suédois sont tempérés par une introduction heavy metal et des breaks qui donnent envie de secouer la tête en cadence.

On le comprend, Mortuary est en pleine forme et le montre par sa volonté de tout renverser sur son passage. « A Curse In Disguise » reprend les codes du death metal des années 1990 en y incorporant une bonne dose de thrash avec son rythme syncopé, tandis que le morbide « Onward to the Terminus » emprunte des riffs au black metal pour mieux évoquer la noirceur du monde. En onze compositions, The Autophagous Reign entraîne son auditoire dans un univers d’une rare violence, à l’image de notre monde qui semble se dévorer sans s’en rendre compte. En dépit de ses trois décennies d’existence, Mortuary prouve qu’il est toujours en phase avec notre société dont il dénonce les dérives en retournant contre elle, la violence dont elle fait preuve. Du grand art.

  • 1. Delete/Replace
  • 2. The Sapiens Order
  • 3. A Curse In Disguise
  • 4. Dominate Modus Operandi
  • 5. Disposable
  • 6. Eternal
  • 7. Onward to the Terminus
  • 8. Recycled
  • 9. Memorial in Vivo
  • 10. Cheptel
  • 11. Monuments
  • Yohann Voirin : Batterie
  • Bastien Legras : Guitare
  • Patrick Germonville : Chant
  • Jean-Noël Verbecq : Basse
  • Alexis Baudin : Guitare

Label : Xenorkorp

HARDLINE – Human Nature (2016)

S’il existe un groupe de metal mélodique qui mériterait une plus grande reconnaissance de la part du public, c’est bien Hardline, dont aucun des quatre précédents albums studio ne s’est révélé mauvais, atteignant même des sommets avec son premier album éponyme, ce qui est également le cas pour Human Nature qui brille par la qualité de ses morceaux, une production impeccable et une exécution sans faille. Certes, le line-up du groupe n’a plus grand-chose à voir avec celui de 1992, qui comptait Neal Schon et Deen Castronovo en ses rangs, puisqu’il ne reste plus que le chanteur Johnny Gioeli et que le guitariste a encore changé avec le retour de Josh Ramos, mais cela n’altère pas l’impact de chansons telles que : l’entraînant « Where We Go From Here » qui ouvre merveilleusement bien le bal, l’imparable blues rock « Trapped in Muddy Waters » ou le heavy rock « The Wall Is Falling Down » qui renvoie à Pretty Maids.

Tout au long des onze titres, Hardline alterne les morceaux puissants : « Running On Empty » qui se révèle irrésistible même après plusieurs écoutes ou le groovy « Nobody’s Fool » au riff dévastateur, et les mélodies plus intimistes : les poignantes ballades « Take You Home » et « Human Nature » aux orchestrations dignes des plus grands, sans jamais s’abandonner à la facilité, ni au remplissage, ce qui devient particulièrement rare de nos jours. Car il ne fait aucun doute que le groupe se donne à fond, offrant aux auditeurs un album de grande qualité dans lequel chaque détail est soigneusement étudié, chaque harmonie composée avec talent, comme l’attestent les arrangements de l’excellent « When The North Winds Blows » aux chœurs finement travaillés et aux claviers ciselés avec talent.

Hardline joue peut-être à contre-courant des vagues actuelles, mais cela n’est pas pour me déplaire, tant Human Nature n’a pas à rougir de la comparaison avec ses prédécesseurs, tout en s’inscrivant dans la lignée de groupes comme Rainbow ou Pretty Maids. La parenté avec les Danois est évidente sur « Fighting The Battle », même si le groupe apporte une touche toute personnelle à cette composition, savant mélange d’un riff énorme, d’un chant mélodique et de claviers discrets.

Hardline nous offre un album de grande qualité dans lequel chaque détail est soigneusement étudié.

  • 1. Where Will We Go From Here
  • 2. Nobody’s Fool
  • 3. Human Nature
  • 4. Trapped In Muddy Waters
  • 5. Running On Empty
  • 6. The World Is Falling Down
  • 7. Take You Home
  • 8. Where The North Wind Blows
  • 9. In The Dead Of The Night
  • 10. United We Stand
  • 11. Fighting The Battle
  • Johnny Gioeli : Chant
  • Alessandro Del Vecchio : Claviers, chœurs
  • Josh Ramos : Guitares
  • Anna Portalupi : Basse
  • Francesco Jovino : Batterie

Label : Frontiers

SATYRICON – Now, Diabolical (2006)

Sixième album studio des Norvégiens de Satyricon, Now, Diabolical est certainement celui qui divise le plus les fans du groupe. Après le furieux Volcano, publié quatre ans auparavant, qui s’inscrivait dans une veine plutôt classique du genre, ce nouvel opus présente une profonde inflexion de style, passant des habituelles furies proposées par le black pour nous offrir des hymnes martiaux et insidieux. Et cela ne plaît pas à tout le monde. A l’instar du Ritual de Testament pour le thrash, Now, Diabolical ose prendre des risques mélodiques et artistiques qui font évoluer le genre.

Dès le titre éponyme, l’auditeur est cueilli par la lourdeur de la musique, par son rythme binaire qui crée une angoisse afin de l’entraîner dans un voyage perturbant. Et c’est justement à ça que veut en venir Satyr, ce qu’il accentue par son chant grave et éraillé, aux phrasés réguliers et médiums. Passant de moments lents à d’autres plus rapides, « Now, Diabolical » ressemble à la bande-son d’un film d’épouvante. A chaque instant, on s’attend à voir apparaître un démon. « Pentagram Burns » s’inscrit dans la même veine. Puissant, belliqueux et sinistre, il est agrémenté de sons de cloche et de cymbales renvoyant à des sabbats. Plus mélodique, « K.I.N.G. » surprend par ses mélodies et son groove qui en font l’un des meilleurs moments de cet album. Le duo sait aussi générer des réactions épidermiques, comme sur « Delirium » qui joue sur des dissonances, ou sur « A New Enemy » dont le rythme médium accueille des effets que n’aurait pas renié The 69 Eyes pour leur côté gothique.

Tous les titres ne sont pas lents, car Satyricon affiche la volonté évidente de surprendre. Ainsi « The Rite Of War Cross » s’appuie sur des blast beats, tandis que les guitares développent des harmoniques ultra rapides pour mieux ralentir le rythme en plein milieu du morceau. Si la première partie de l’album était lente, voire oppressante, la seconde emporte tout sur son passage, en proposant des rythmes et des structures plus proches du black metal classique. « That Darkness Shall Be Eternal » se développe sur de nombreux changements de rythmes et des riffs perturbants, sur lequel s’appuie la voix narrée de Satyr. Le contraste est parfaitement réussi. Il en va de même pour « To The Mountains » qui oppose des guitares pesantes et une batterie déjantée. Moins martiale que le début de l’album, cette chanson illustre bien l’évolution de Satyricon qui préfère mettre en place des atmosphères changeantes, plutôt que de nous asséner toujours le même album. Les sons de cuivre qui émaillent le milieu du morceau en sont une preuve flagrante.

Now, Dialbolical est une œuvre majeure du black metal, parce qu’elle ouvre de nouveaux horizons au groupe et au genre. Etant donné les réactions, il est évident qu’elle ne plaît pas à tout le monde. Mais le génie n’est pas toujours compris.

  • 1. Now, Diabolical
  • 2. King
  • 3. The Pentagram Burns
  • 4. A New Enemy
  • 5. The Rite Of War Cross
  • 6. That Darkness Shall Be Eternal
  • 7. Delirium
  • 8. To The Mountains

  • Satyr : chant, guitares, basses, claviers
  • Frost : batterie

Label : Roadrunner

ROAD RATT – Road Ratt (1992)

Originaire de Gothenburg en Suède, Road Ratt joue un glam metal, coincé entre Kiss, Def Leppard et Aerosmith, avec une touche suédoise originale. Produit par Stefan Glauman qui travaillera ensuite avec Rammstein, Bon Jovi ou Def Leppard, cet unique album bénéficie d’un excellent son, très dynamique, qui met en valeur chaque instrument et chaque ambiance.

L’album débute par « Ragman City », un glam rock entraînant, au refrain entêtant, qui sonne comme du Def Leppard et donne le ton. L’auditeur a immédiatement envie de chanter avec le groupe et de poursuivre l’aventure. Cet excellent titre est suivi par « Use The Lighter », un hard rock très américain, au son énorme, idéal pour secouer la tête en cadence. On en redemande, surtout que Stefan Glauman parvient, à l’aide de petites trouvailles, comme cette grosse voix, à agrémenter l’ensemble d’éléments novateurs. Avec « Resurrection », le groupe explore un jazz rock étonnant, supporté par des cuivres, qui évoque Aerosmith et qui surprend par sa couleur chaude. Le chant de Christer est bien en place, comme c’est le cas sur le blues hard « Itsypooked » qui évoque les groupes américains de l’époque comme Bon Jovi ou certaines formations de southern rock. C’est chaud, superbement produit et interprété, et on se dit que ce groupe aurait dû avoir une trajectoire et un destin plus glorieux. Aucune faute de goût, un enthousiasme débordant et d’indéniables qualités d’écriture.

Pour relancer la machine, le groupe nous assène « Mr Preacher », un hard rock carré, groovy comme du Aerosmith, produit comme du Def Leppard et plein de trouvailles comme du Freak Kitchen. A nouveau un excellent morceau qui donne envie de chanter. Et la fête se poursuit avec « C’mon And Do Me », une pure pièce à la Aerosmith, jusque dans le chant qui rappelle celui de Steven Tyler. Road Ratt s’en démarque néanmoins grâce à des arrangements très personnels. Cela s’entend aussi sur « Beggar’s Day », un hard glam très américain destiné à hurler en concert, le point levé. L’ombre de Guns ‘n Roses plane quelque part, avec son riff tourbillonnant et son groove irrésistible. Autant dire que nous frisons l’excellence.

Le ton change avec « Funny People », une nouvelle incursion blues rock, dont l’introduction et certains passages empruntent au jazz (il suffit d’écouter le travail de la batterie pour s’en persuader). Un titre énorme, au refrain fédérateur, au break qui évoque le travail de Ken Tamplin, et qui montre tout le talent de ce groupe. Avec « I Wish », c’est vers des ambiances presque atmosphériques que se tourne le groupe, pour un petit moment de douceur et de calme vraiment étonnant entre deux brûlots. Car « Shake it Up » claque ensuite avec une énergie que ne renierait pas Van Halen. Christer se prend d’ailleurs un peu pour David, tandis que les guitares sonnent et claquent comme celle d’Eddie. A nouveau un grand moment, mais il n’y a que cela sur ce disque. Cela ne se dément pas sur « Turn Me On », une vraie tuerie, au riff énorme, à la production superbe, et au refrain incontournable. Un morceau idéal pour terminer ce petit joyau passé trop inaperçu dans nos contrées à l’époque et qui mérite une réhabilitation, car cet unique album de Road Ratt est, sans aucun doute, l’un des meilleurs albums de 1992.

  • 1. Ragman City
  • 2. Use The Lighter
  • 3. Resurrection
  • 4. Itsypooked
  • 5. Mr Preacher
  • 6. C’mon And Do Me
  • 7. Beggar’s Day
  • 8. Funny People
  • 9. I Wish
  • 10. Shake It Up
  • 11. Turn Me On
  • Christer Örtefors : chant
  • Alban Herlitz : guitares
  • Fredrik Stenberg : guitares
  • Ola Johansson : basse
  • Patrik Herrström : batterie

Production : Stefan Glauman

RED DRAGON CARTEL – Patina (2018)

Quatre ans après son premier album éponyme, Red Dragon Cartel revient avec une œuvre gorgée de blues, de rock et de hard rock. Le son est d’ailleurs plus chaud, moins lisse, plus proche des racines de Jake E. Lee qu’auparavant. On se rapproche de ce qu’il faisait avec Badlands, avec une touche moderne dans l’approche des morceaux, et une voix très différente de celle de Ray Gillen. En effet, le chant de Darren James Smith est moins aigu, et donne une dimension plus américaine et moins britannique à l’ensemble. Ce rapprochement entre le passé et le présent est flagrant dès l’entame de « Speedbag » qui renvoie à « High Wire » sans le copier. On reconnaît immédiatement le jeu de Jake E. Lee que les fans attendent impatiemment. En effet, on peut se demander comment un tel musicien n’est toujours pas parvenu à renouer avec le succès.

Il se pourrait que les titres de ce nouvel album le ramènent vers les sommets. « Havana » qui suit est un brûlot plein de groove qui pulse, grâce à un riff irrésistible. Il en va de même pour le mid-tempo « Bitter » qui s’appuie sur une construction blues-rock que la voix de Darren James Smith parvient à magnifier. L’ombre de certains titres d’Ozzy Osbourne planent sur ce morceau qui est à classer parmi les meilleurs de cet album. « Crooked Man » s’inscrit dans cette lignée également, en proposant une chanson pleine de feeling.

Que dire de « Chasing Gods » aux accents zeppeliniens ? On croit retrouver Badlands, avec ses atmosphères étranges, ce riff lancinant, et ce chant habité qui montre que le groupe a repoussé ses limites. Un grand moment, surtout après « Bitter » qui prenait déjà aux tripes. « My Beautiful Mess », avant-dernier titre de l’album louvoie dans les mêmes eaux que « Chasing Gods », en jouant davantage sur les ambiances. Les nuances présentes sont étonnantes et permettent à Jake E. Lee d’explorer un jeu plus léger.  

Le reste de l’album propose des chansons mélodiques, comme « Inks & Water » qui clôt l’album de manière presque sautillante, avec son rock teinté de pop qui détonne. On sent que le groupe a voulu se faire plaisir et retourner à ses premières amours. « The Luxury of Breathing » en apporte une preuve flagrante, avec un rythme lent et un feeling présent d’un bout à l’autre.

Au final, Patina est un bon album, sans doute pas aussi déjanté qu’espéré, mais qui s’inscrit dans les meilleures productions de Jake E. Lee et qui est bien supérieur au premier.

  •  01. Speedbag
  •  02. Havana
  •  03. Crooked Man
  •  04. The Luxury Of Breathing
  •  05. Bitter
  •  06. Chasing Ghosts
  •  07. A Painted Heart
  •  08. Punchclown (Bonus Track)
  •  09. My Beautiful Mess
  •  10. Ink & Water
  • Guitares : Jake E Lee
  • Chant : Darren James Smith
  • Basse : Anthony Esposito
  • Batterie : Phil Varone

Label : Frontiers

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