ANVIL – Legal At Last (2020)

Deux ans après Pounding the Pavement, Anvil revient avec ce Legal At Last, puissant, racé, heavy, mélodique et chargé d’histoire, tant le trio s’est replongé dans ses racines. Renouant avec Forged In Fire (1983) dont il reprend certains thèmes, les Canadiens poursuivent leur redressement, en nous livrant un album sérieux, toujours aussi frais et naïf, réalisé par des fans de metal pour des fans de metal. Car Lips et Robbo n’en ont que faire des modes. Si leur musique préférée revient actuellement sur le devant de la scène, eux n’ont jamais changé de cap. Alternant morceaux rapides dévastant tout sur leur passage, mid tempos qui donnent envie de secouer la tête en cadence et compositions pesantes comme des chars d’assauts, cet album est une réussite d’un bout à l’autre. De petits esprits, peu inspirés, vont s’attacher au capital sympathie emmagasiné après leur documentaire (mais c’était il y a douze ans les mecs, réveillez-vous !), alors que cinq albums sont sortis depuis dont les excellents Hope in Hell et Anvil is Anvil. Legal At Last les dépasse d’une bonne tête.

Débutant par le monstrueux « Legal At Last », aux riffs énormes et au refrain évoquant un générique de western, cet album nous propose le meilleur d’Anvil. Coincé quelque part entre Motorhead et Twisted Sister, ce titre est un déferlement jouissif qui nous prouve que l’envie n’a pas disparu chez ces musiciens. Il en annonce d’autres, comme « Chemtrails », aux fortes consonances priestiennes, que dominent des guitares dévastatrices, soutenues par une section rythmique en béton armé. Plus léger, « I’m Alive » nous prouve une nouvelle fois que Lips aime AC/DC et Ted Nugent, en nous offrant un heavy rock enlevé et plutôt joyeux, dont les paroles rendent hommage au rock’n’roll. Dans un style tout aussi enjoué, « Bottom Line » donne la pêche, grâce à une construction efficace. Pourtant, il est éclipsé par le furieux « Food For The Vulture » qui redonne au speed metal ses lettes de noblesse. Même « No Time », le titre bonus, s’engage dans cette voie, pour notre plus grand plaisir. Sans prétention, cette chanson n’en demeure pas moins très bonne et ferme l’album avec brio.

Les hymnes heavy ne sont pas en reste. Composé sur un rythme binaire, « Nabbed In Nebraska » est destiné à lever le poing en hurlant à tue-tête. On y retrouve cette propension d’Anvil à composer des chansons destinées aux fans. Plus addictif encore, « Glass House » s’appuie sur un refrain fédérateur, emporté par des chœurs masculins et un riff efficace. Lips se fend d’un beau solo, tandis que les couplets donnent eux aussi envie de chanter. Une vraie réussite à mi-chemin entre Grave Digger et le meilleur d’Anvil. Plus lourd encore, « Gasoline » évoque « Forged In Fire », avec une touche King Diamond. Terriblement efficace pour les amateurs de heavy, il écrase tout sans jamais lasser. Il en va de même pour « Plastic In Paradise », au riff épais et entêtant. Peut-être moins réussi que « Gasoline », il présente néanmoins une face incontournable d’Anvil, comme c’est aussi le cas du plus groovy « Said And Done », dans lequel on perçoit les influences de Black Sabbath.

Legal At Last est un excellent album, à classer parmi les bonnes réussites d’Anvil, un groupe qui poursuit sa route sans s’occuper des modes, et qui le fait bien.

  • 1. Legal At Last
  • 2. Nabbed In Nebraska
  • 3. Chemtrails
  • 4. Gasoline
  • 5. I’m Alive
  • 6. Talking To The Wall
  • 7. Glass House
  • 8. Plastic In Paradise
  • 9. Bottom Line
  • 10. Food For The Vulture
  • 11. Said And Done
  • 12. No Time (Bonus Track)
  • Steve « Lips » Kudlow – Guitares, chant
  • Robb « Robbo » Reiner – Batterie
  • Chris Robertson – Basse

Label : AFM

ANGEL – White Hot (1979)

Quatrième album d’Angel, White Hot est aussi le premier sans le bassiste Mickie Jones, remplacé par Felix Robinson. Cela ne change pas foncièrement la musique du groupe, même si on note un certain allégement du son et une prépondérance prise par les claviers. La production d’Eddie Leonetti est sans doute en cause. Ce producteur qui a travaillé avec Rex, Moxy ou Artful Dodger fait entrer le groupe dans l’AOR, lui ouvrant d’ailleurs les portes des charts avec « Ain’t Gonna Eat Out My Heart Anymore », une reprise assez mièvre de The Young Rascals.

Il faut donc le reconnaître, White Hot n’est pas le meilleur album d’Angel, même s’il contient quelques bons morceaux, à commencer par « Don’t Leave Me Lonely ». Cette excellente chanson, qui n’est pas sans rappeler Triumph, ouvre cet opus de la meilleure des manières. Malheureusement, la suite n’est pas du même niveau. En effet, les bons titres se comptent sur les doigts d’une main.  « Under Suspicion » est une bonne chanson, au riff original, mixé trop en arrière, qui donne envie de secouer la tête, mais qui serait bien meilleure avec une grosse production. Semi échec, « Got Love If You Want It » est un morceau rapide, gâché par une longue introduction aux claviers qui l’englue durant une minute avant que les guitares puissent enfin lâcher les chevaux. Trois titres convenablement produits, cela ne sauve pas cet album.

La plupart des morceaux manquent effectivement de coffre et d’épaisseur. « Hold Me, Squeeze Me » est une gentille bluette, plus pop années 1960 que rock. Les claviers de Giuffria y sont anormalement envahissants, affadissant l’ensemble. En dépit de ses qualités, « Stick Like Glue » est également proposé comme un morceau pop, tandis que la ballade « Flying with Broken Wings » s’enlise dans des chœurs mielleux et des arrangements d’une autre époque. Même constat pour « Over and Over » qui aurait mérité un bien meilleur traitement (c’est d’ailleurs le cas après remastérisation), alors que « You Could Lose Me » est carrément raté. Ce tempo médium est sacrifié par une production dépourvue dynamisme. Mais que dire du naufrage de « The Winter Song » qui clôt cet album dans un trip hippie raté ?

A mon avis, même si c’est celui qui remporta le plus gros succès, White Hot est le moins bon album d’Angel, et sa pochette est carrément horrible. Avec le recul, ses lacunes éclatent au grand jour. Plusieurs de ses morceaux mériteraient un nouvel enregistrement afin de dévoiler leur potentiel. C’est d’ailleurs ce que propose le coffret The Casablanca Years qui leur redonne une vraie jeunesse grâce à une remasterisation qui modifie profondément le son.

  • 1. Don’t Leave Me Lonely
  • 2. Ain’t Gonna Eat Out My Heart Anymore
  • 3. Hold Me, Squeeze Me
  • 4. Over and Over
  • 5. Under Suspicion
  • 6. Got Love If You Want It
  • 7. Stick Like Glue
  • 8. Flying with Broken Wings (Without You)
  • 9. You Could Lose Me
  • 10. The Winter Song
  • Frank DiMino – Chant
  • Punky Meadows – Guitares
  • Felix Robinson – Basse
  • Barry Brandt – Batterie
  • Gregg Giuffria – Claviers

Label : Casablanca

BILOXI – Let The Games Begin (1993)

Si Biloxi tire son nom d’une ville du Mississipi, la formation est originaire de Los Angeles en Californie, où elle s’est formée en 1988 autour du chanteur Clyde Holly. Après de nombreux changements de personnel, le groupe signe avec le label japonais Zero Corporation qui publie son premier album Let The Games Begin. Pourquoi un tel choix ? La réponse est simple : la vague grunge déverse ses tombereaux de larmes destinées à la génération X et le hard FM de qualité n’est pas en odeur de sainteté aux Etats-Unis. Biloxi trouve donc refuge sur le marché asiatique et indonésien où il rencontre un certain succès, ce qui est mérité. Œuvrant dans un style proche de Journey ou des premiers Bon Jovi, avec des touches hard rock plus prononcées sur certains titres, Biloxi appartient à cette race de groupes doués que la chance n’a pas vraiment favorisée. Pourtant, tout était présent pour qu’il réussisse : des musiciens doués, un chanteur à la voix puissante et mélodique et un réel talent pour nous livrer des compositions raffinées.

L’album débute par son côté le plus hard rock avec le rapide « Run For Your Life », soutenu par une section rythmique efficace menée par le batteur Billy Orrico ainsi que des guitares incisives. Classique mais efficace, ce titre lance parfaitement cet opus en s’octroyant des plages plus lentes aux influences progressives et d’autres plus heavy. Dans le même style, le groovy « Livin’ Time » donne envie de secouer la tête grâce à un riff carré et un duo basse/batterie qui maintient un rythme entraînant, sans jamais perdre le sens de la mélodie. Biloxi possède en effet un réel talent pour construire des morceaux qui nous prennent aux tripes, comme c’est le cas pour « Show Me The Way », dont le refrain est appuyé par de superbes chœurs et ses couplets par des cuivres.

Capable aussi d’écrire des chansons destinées aux radios et aux télévisions, Biloxi nous livre de beaux mid tempos aux mélodies soignées, comme l’excellent « Angel » dont le refrain reste en tête durant longtemps, ou le magnifique « Magic » aux influences funk/soul, qui possédait toutes les qualités requises pour devenir un hit. Chaque titre est une petite pépite qui ne demande qu’à briller, que ce soit le hard FM « Here And Now » aux grosses guitares à la House Of Lords ou le hard funky « Dancin’ » qui nous donne envie d’accompagner les musiciens.  

Si l’album rencontra le succès en Asie, et même dans les bacs imports européens, ce ne fut pas le cas aux Etats-Unis. Pourtant, des ballades comme « Don’t Cry No More » et l’acoustique « Somewhere In The Night » n’ont rien à envier à celles de White Lion ou Bon Jovi. Comment les décideurs de l’époque n’ont-ils pas pu déceler les énormes qualités de ce groupe qui se permet même d’adapter le « Mississipi Queen » de Mountain pour nous en livrer une version réussie ? Les musiciens se séparèrent assez rapidement, avant que Clyde Holly ne reforme le groupe peu de temps après. A (re)découvrir d’urgence.

  • 1. Run For Your Life
  • 2. Angel
  • 3. Mississippi Queen
  • 4. Don’t Cry No More
  • 5. Out Too Late
  • 6. Livin’ Time
  • 7. Show Me The Way
  • 8. Magic
  • 9. Dancin’
  • 10. Somewhere In The Night
  • 11. Here And Now
  • Clyde Holly – Chant, Basse
  • Billy Orrico – Batterie, chœurs  
  • Pat McNulty – Guitares, chœurs
  • Rich Symons – Guitares, chœurs
  • Douglas R. Docker – Claviers

Label : Zero Corporation

RAINBOW – Difficult to Cure (1981)

Après l’échec humain et commercial de la période Graham Bonnet, avec le mésestimé Down to Earth, Ritchie Blackmore change une partie de son groupe. Il engage notamment Joe Lynn Turner au chant, en provenance de Fandango et le batteur Bobby Rondinelli. Cette nouvelle mouture, plus commerciale, s’oriente vers un hard FM puissant, en faisant notamment appel à des apports extérieurs, notamment Russ Ballard. Dans le même temps, le guitariste développe son amour pour le néo-classique, en nous livrant deux instrumentaux, dont l’excellent et éponyme « Difficult to Cure », basé sur un mouvement de la neuvième symphonie de Beethoven. Tous ces changements paient, puisque cet album remportera un franc succès et se classera même en troisième position des charts britanniques. Il faut avouer que cette reconnaissance est méritée. Si la technique des musiciens n’était pas à démontrer, le sens de la mélodie et la voix claire de Joe Lynn Turner apportent un indéniable plus à ces nouveaux morceaux.

Ouvrant sur le hard FM « I Surrender » qui entre immédiatement dans la tête sans pouvoir en sortir, ce nouvel opus présente un groupe étonnamment requinqué et frais, qui semble avoir oublié ses récents déboires. La section rythmique est impeccable, tandis que Don Airey habille le tout de sonorités inventives, comme le montre le rapide « Spotlight Kid » sur lequel il s’en donne à cœur joie, notamment en s’adonnant à des duels avec la guitare de Ritchie Blackmore. Les influences classiques des deux musiciens sont évidentes, ce qui propulse ce titre vers les sommets. Cette puissance et cet élan sont confirmés par le hard rock « Can’t Happen Here » aux ambiances rappelant Deep Purple. Gorgé de groove, ce morceau est clairement taillé pour la scène.

Ce mélange de riffs saignants et de mélodies qui a présidé à la naissance de cet album se retrouve sur la plupart des compositions. « Freedom Fighter » s’appuie notamment sur un tempo sautillant qui mène à un refrain aisément identifiable. Les guitares y sont néanmoins épaisses et les arrangements inventifs. Tout aussi étonnant, « No Release » puise dans le blues un feeling groovy, tandis que les riffs purement hard rock sont tempérés par des lignes vocales soignées et mélodiques qui ne sont pas sans rappeler Queen. Moins connus que certaines autres chansons de cet album, ces deux titres sont à réhabiliter. Plus lent, « Midtown Tunnel Vision » est un pur blues épaissi par des orgues et des distorsions, et sur lequel Joe Lynn Turner nous montre qu’il possède un vrai coffre. A l’opposé, le mélodique « Magic » ancre Rainbow dans l’AOR, avec ses nappes de claviers, ses mélodies chantantes et ses chœurs légers.

En complément de ces sept chansons, Rainbow nous livre deux instrumentaux nourris à la musique classique. Tout d’abord le mélancolique « Vielleicht Das Nachste Mal (Maybe Next Time) » qui va influencer bon nombre de guitaristes, Vinnie Moore et Yngwie Malmsteen en tête, et le plus connu « Difficult to Cure » évoqué plus haut. Alors que la mode des shredders n’est pas encore lancée, ces deux titres vont être copiés par les guitaristes en herbe et faire aussi la renommée du groupe.

Difficult to Cure est un grand album qui relancera la carrière de Rainbow et le fera connaître d’un plus grand public.

  • 1. I Surrender
  • 2. Spotlight Kid
  • 3. No Release
  • 4. Magic (Brian Moran)
  • 5. Vielleicht Das Nachste Mal (Maybe Next Time)
  • 6. Can’t Happen Here
  • 7. Freedom Fighter
  • 8. Midtown Tunnel Vision
  • 9. Difficult to Cure (Beethoven’s Ninth)
  • Joe Lynn Turner – chant, chœurs
  • Ritchie Blackmore – guitare
  • Roger Glover – basse
  • Bobby Rondinelli – batterie
  • Don Airey – claviers

Producteur : Roger Glover

Label : Polydor Records

TESTAMENT – Low (1994)

Après The Ritual, qui a marqué une vraie scission dans le groupe et parmi les fans, Testament voit partir Alex Skolnick et Louie Clemente pour être remplacés par James Murphy et John Tempesta. Cela change la dynamique d’ensemble et, forcément, la musique. Le jeu de Murphy est moins fluide, moins éclectique, mais recentre le groupe sur un thrash metal épais, teinté de death, ce qui se perçoit dès « Low » dont les riffs, épais et lourds, soutiennent des vocaux plus agressifs et plus graves que sur le précédent album. Les fans sont ravis de ce retour aux sources, loin des expérimentations qui les avaient un peu déconcertés. Testament a décidé de centrer ses compositions sur les guitares, en proposant des motifs gorgés de groove, comme sur « Hail Mary », qui donne envie de secouer la tête grâce à son riff tourbillonnant, capable de soulever un stade. Il en va de même pour le groovy « Shades Of War », qui rappelle des chansons de The Ritual, mais sur un rythme un peu plus rapide quand même.

Car Testament sait aussi calmer le jeu, avec « Trail Of Tears » aux influences jazz-rock ou sur le mélancolique et un peu angoissant « Last Call » qui clôt cet album et permet à Greg Christian de nous proposer un jeu tout en nuance.  Ces deux moments plus doux permettent également d’apprécier le tempo lent qu’est le narratif « P.C. » dont on a l’impression de vivre le récit en même temps que les musiciens et le torturé « Chasing Fear » aux incessants changements de rythmes qui entrainent l’auditeur sur des chemins de traverse.

Reste que Testament prouve qu’il est un vrai groupe de thrash, et sans doute l’un des plus inventifs, comme l’attestent l’instrumental « Urotsukidoji » qui puise dans le jazz fusion, le puissant « Legions (In Hiding) » basé sur un rythme haché ou le syncopé et progressif « Dog Faced Gods » qui permet à Tempesta de nous prouver tout son talent. Quant aux amateurs de titres rapides, ils peuvent se rabattre sur « Ride » et « All I Could Bleed », même si, avec Testament, ce n’est jamais ni simple ni linéaire. En effet, les musiciens aiment brouiller les pistes et nous entraîner dans de nombreuses directions, ce qui est vraiment appréciable.

Très bon album enregistré sur plusieurs mois, Low démontre toutes les qualités d’un groupe qui aurait pu s’effondrer, mais qui s’est relevé avec brio.

  • 1. Low
  • 2. Legions (In Hiding)
  • 3. Hail Mary
  • 4. Trail of Tears
  • 5. Shades of War
  • 6. P.C.
  • 7. Dog Faced Gods
  • 8. All I Could Bleed
  • 9. Urotsukidoji
  • 10. Chasing Fear
  • 11. Ride
  • 12. Last Call
  • Chuck Billy : Chant
  • Eric Peterson : Guitare
  • James Murphy : Guitare
  • Greg Christian : Basse
  • John Tempesta : Batterie

Producteur : GGGarth, Testament

Label : Atlantic

KROKUS – One Vice At The Time (1982)

Troisième album studio avec Marc Storace au chant, One Vice At The Time est clairement un hommage à AC/DC, même si certains y voient une sorte de plagiat. Enregistré aux Battery Studios de Londres, là où les Australiens mixaient For Those About To Rock, il regroupe neuf brûlots hard’n’roll basés sur des riffs en douze mesures et des rythmes souvent binaires, renvoyant aux albums d’AC/DC avec Bon Scott. La production aidant, il ne fait aucun doute possible que la filiation est présente. Néanmoins, il faut reconnaître à Krokus sa capacité à écrire des refrains qui restent dans la tête : « Bad Boys, Rag Dolls », « Playin’ the Outlaw » ou encore « I’m on the Run » et des riffs qui déchirent tout : « Rock ‘n’ Roll », « Long Stick Goes Down » ou encore « To The Top ». L’ensemble est donc cohérent, puissant, mélodique et bourré de groove. Que demander de plus ?

Dès les premières notes de « Long Stick Goes Boom », l’auditeur en prend plein les oreilles. Le son est énorme, les guitares sont agressives et la voix de Marc Storace déchire tout. Le refrain est classique, mais efficace, et donne envie de secouer la tête. Cela annonce un album dans cette veine : groove, riffs carrés, chant de grande qualité. Certains morceaux sortent ainsi de la masse. L’entrainant « Bad Boys, Rag Dolls » se démarque par sa construction intelligente qui permet à la voix et aux guitares de s’offrir des moments de grâce. Le boogie « Down the Drain », proche d’un Status Quo version hard rock donne envie de danser. A l’inverse, le mid-tempo « Save Me » joue plutôt sur des ambiances mélancoliques, variant les motifs pour mieux saisir le fan.

Ne nous y trompons pas, chaque chanson de cet album est une réussite. L’excellent « Playin’ the Outlaw », sans doute le plus AC/DC des neuf morceaux, propulse le groupe vers les sommets, alors que le binaire « I’m On The Run » donne envie de chanter. A noter la présence de Bruce Dickinson dans les chœurs de ce morceau. Même « American Woman », la reprise de The Gues Who (le groupe pré-Bachman Turner Overdrive) est une réussite, et nous montre que Krokus connaît ses classiques. Il n’y a donc rien à jeter sur ce disque qui propulse Krokus dans les charts anglais, américains et suisses, et lui permet de débouler en France.

  • 1. Long Stick Goes Boom
  • 2. Bad Boys, Rag Dolls
  • 3. Playin’ the Outlaw
  • 4. To the Top
  • 5. Down the Drain
  • 6. American Woman
  • 7. I’m on the Run
  • 8. Save Me
  • 9. Rock ‘n’ Roll
  • Marc Storace: chant
  • Fernando Von Arb: lead guitare
  • Chris Von Rohr: basse, percussions, chœurs
  • Mark Kohler: guitare rythmique
  • Freddy Steady: batterie, percussions

Producteur : Tony Platt

Label : Arista

DiMINO – Old Habits Die Hard (2013)

Lorsque paraît Old Habits Die Hard en 2013, le groupe Angel n’est malheureusement plus d’actualité, et la jeune génération n’a même pas connaissance de son existence. Pourtant, Fontiers, qui n’en est pas à son coup d’essai, donne sa chance à Franck Dimino, le chanteur du groupe américain. Entouré d’une formation solide comprenant le bassiste Danny Miranda (ex Blüe Öyster Cult), le batteur John Miceli (Meat Loaf) et le claviériste Justin Avery (Meat Loaf), ainsi qu’une pléthore d’invités, dont Eddie Ojeda (Twister Sister), Jeff Duncan (Armored Saints), Rickey Meidlocke (Blackfoot, Lynyrd Skynyrd), Pat Thrall (Hughes & Thrall, Asia, Meat Loaf…), Oz Fox (Stryper), sans compter Punky Meadows son complice d’Angel… Autant dire qu’il est bien entouré.

Si cela ne fait pas toujours un bon album, Franck Dimino nous propose un véritable opus, composé d’excellentes chansons, certes classique, mais qui raviront les amateurs de hard rock chaud et mélodique. Chaque titre a, en effet, été construit pour donner envie aux fans de reprendre les refrains en chœur, comme sur le mid tempo « Sweet Sensation » ou sur l’excellent « Never Again » qui ouvre le bal. Certes, Dimino n’invente rien, mais les chansons proposées sont nourries au blues et au hard rock, souvent colorées par des orgues chauds et traversées par des guitares tour à tour épaisses et incisives. Ainsi « I Can’t Stop Loving You » évoque un mélange entre AC/DC et Led Zeppelin, tandis que le speed « Stones By The River » se teinte de motifs propres au heavy metal pour nous rappeler Saxon. C’est encore plus évident sur le rapide et lourd « Mad As Hell » qui évoque les premiers albums de Twisted Sister, même dans ses refrains.

Pour notre plus grand bien, on change souvent d’univers, ce qui permet de varier les intensités et les émotions. « Rockin’ In The City » s’appuie sur un orgue évoquant tantôt Deep Purple, tantôt Uriah Heep et sur un riff épais et rapide qui renverse tout sur son passage. Dans un registre plus binaire, « The Rain’s About To Fall » nous confirme que Franck n’a rien perdu de ses qualités vocales pour un titre à mi-chemin entre le southern rock et le hard rock australien. Même lorsque le rythme se fait plus léger, comme sur la ballade « Even Now », on ne constate aucune faute de goût. A chaque fois, un arrangement ou une harmonie vient donner un petit coup de fouet ou éclaire un break ou un pont. Le mélancolique « Tears Will Fall » nous en offre un bel exemple. Ce titre propose des ambiances très années 1970, qui ne sont pas sans rappeler Angel en plus lourd.

Old Habits Die Hard est une bonne surprise qu’il est encore possible d’acheter. Ne vous en privez pas.

  • 1. Never Again
  • 2. Rockin’ In The City
  • 3. I Can’t Stop Loving You
  • 4. The Rain’s About To Fall
  • 5. Even Now
  • 6. Tears Will Fall
  • 7. Mad As Hell
  • 8. Sweet Sensation
  • 9. Tonight’s The Night
  • 10. The Quest
  • 11. Stones By The River
  • Franck Dimino – Chant
  • Danny Miranda – Basse
  • John Miceli – Batterie
  • Justin Avery – Claviers
  • Invités
  • Barry Brandt– Batterie
  • Eddie Ojeda – Guitares
  • Jeff Duncan – Guitares
  • Jeff Labansky – Guitares
  • Oz Fox – Guitares
  • Pat Thrall – Guitares
  • Punky Meadows – Guitares
  • Rickey Medlocke – Guitares

Label : Frontiers

KROKUS – Metal Rendez-vous (1980)

Quatrième album studio des Suisses de Krokus, Metal Rendez-vous marque un réel tournant dans la carrière du groupe. Premier opus enregistré avec le chanteur Marc Storace (ex Easy Money), à la voix si puissante et si particulière, il permet enfin au groupe de se faire connaître et de signer sur Ariola. Grâce à l’apport de Storace, la musique évolue et entre enfin dans les années 1980. Cela s’entend dès l’excellent et rapide « Heatstrokes », vrai hard’n’roll qui emporte tout sur son passage. Le riff en douze mesures est associé à des accords plaqués, tandis que la voix déchire tout. Une superbe entrée en matière qui permet à l’auditeur de se mettre dans le bain et annonce d’autres beaux morceaux entraînants, tels que « Shy Kid » qui donne envie de taper du pied avec son rythme binaire ou le furieux « Back-Seat Rock’n’Roll » dont le titre annonce la couleur et qui propose un beau refrain à chanter en chœur. Le groupe flirte également avec le heavy sur le robuste « Come On » aux arrangements finalement très subtils.

Cet album n’étant pas monochrome, il propose des chansons plus lentes et mélodiques qui permettent d’installer des ambiances sympathiques, comme « Bedside Radio » qui flirte parfois avec le southern rock ou sa jumelle « Lady Double Dealer », construite sur un rythme similaire et un riff classique. Plus entraînant, « Fire » s’appuie sur un riff blues-boogie répétitif qui marque les esprits et donne envie de secouer la tête. Sans inventer la poudre, Krokus sait parfaitement se servir de ses influences pour nous délivrer des morceaux efficaces. L’ensemble claque, envoûte et permet de découvrir un groupe qui trouve enfin sa vitesse de croisière.

A côté de cela, Krokus peut aussi s’aventurer sur des chemins moins balisés. Ainsi, « Tokyo Nights » mêle ambiances orientales et passages reggaes pour un titre étonnant, aux jolies mélodies qui en a surpris plus d’un à l’époque. En nous proposant une telle chanson, Krokus sort de sa zone de confort et montre à ses détracteurs qu’il ne se contente pas de copier ses voisins. Il en va de même pour la power ballad « Streamer » qui permet de montrer toutes les qualités vocales de Marc Storace. Ses apports ne souffrent d’aucune contestation possible. Grâce à cet album, le groupe part en tournée à travers l’Europe en soutien de Ted Nugent, Nazareth et Rainbow puis d’AC.DC, Sammy Hagar et Cheap Trick. Il participe également au festival de Reading. Trois singles sont extraits de cet album qui entre dans les charts et se vend à plus de 150 000 exemplaires en Suisse.

  • 1. Heatstrokes
  • 2. Bedside Radio
  • 3. Come On
  • 4. Streamer
  • 5. Shy Kid
  • 6. Tokyo Nights
  • 7. Lady Double Dealer
  • 8. Fire
  • 9. No Way
  • 10. Back-Seat Rock’n’Roll
  • Chris von Rohr : Basse, Chœurs
  • Freddy Steady : Drums, Chœurs
  • Fernando von Arb : Guitares, Chant
  • Marc Storace : Chant
  • Tommy Kiefer : Guitares, Chœurs
  • Juerg Naegeli : Claviers, Chœurs

Producteurs : Martin Pearson & Krokus

Label : Ariola

THUNDERMOTHER – Thundermother (2018)

Troisième album pour les Suédoises de Thundermother qui assoient leur hard rock plein de gouaille sur des riffs carrés, plaqués, simples et efficaces. Quelque part entre AC/DC et The Angels, avec une touche scandinave à la The Hellacopters et quelques touches alternatives proches de The Pretty Reckless, leur musique percute de plein fouet l’auditeur, sans lui laisser le moindre temps mort. Gorgée de groove et de blues, chaque chanson parle aux tripes et non à l’esprit. Il n’est absolument pas question ici de performance technique, mais bien de mélodies organiques destinées à chanter de concert et de riffs capables de soulever les foules et de faire taper du pied en cadence.

L’auditeur se retrouve donc au cœur d’un univers riche, qui alterne les compositions rapides et les tempos médiums. Ces changements de rythmes n’altèrent jamais l’intensité dispensée par chaque titre. Ainsi, « Whatever » déboule avec un élan communicatif qui rappelle les Anglais de Starfighters et, bien entendu AC/DC. Guernica Mancini y délivre une performance remarquée, portant quasiment le morceau à elle toute seule. Sur le brûlot « Racing On Mainstreet », ce sont plutôt les guitares qui sont à la fête pour un hard rock classique et réussi, aux petits airs de Girlschool. Il en va de même pour « Quitter » dont l’allant est rafraîchissant, ce qui nous prouve que ce groupe joue réellement pour le plaisir. Proche de certains morceaux de Krokus, « Rip Your Heart Out » propose une construction originale, notamment sur ses couplets, avant un refrain plus classique qui ne laisse pas indifférent. Une jolie surprise. Même chose pour le groovy « Survival Song », dont la construction en douze mesures doit autant au hard rock australien qu’à la New Wave Of British Heavy Metal.    

Avec treize compositions, Thundermother ne se moque pas de ses fans, surtout que la qualité est au rendez-vous. « Revival » est un pur blues hard à la AC/DC, même dans ses chœurs et ses arrangements. S’il ne nous apporte aucune surprise, ce titre fonctionne à merveille. Constat un peu différent pour le très bon « Children On The Rampage » dont le riff aurait pu se retrouver sur TNT, tandis que le refrain, plus moderne, prouve que ces musiciennes savent composer de vrais bons morceaux. Teinté de metal alternatif, « Hanging At My Door » surprend par sa qualité et sa modernité. Ce mélange de hard rock et de rock indépendant rappelle les excellents The Pretty Reckless, ce qui n’est pas pour me déplaire. Plus classiques et teintés de blues, « The Original Sin » et « We Fight For Rock ‘n Roll » sont bâtis pour la scène, avec des riffs simples et des refrains fédérateurs.

Même lorsque le rythme se fait lancinant, comme sur la ballade « Follow Your Heart » ou le blues « Won’t Back Down », Thundermother parvient à capter notre attention, faisant de cet album une œuvre atemporelle, franchement réussie, parce que, même s’il est sans prétention, cet opus n’en possède pas moins de grandes qualités. A voir sur scène pour se faire une idée de l’impact de ces morceaux en public.

  • 1. Revival           
  • 2. Whatever     
  • 3. Survival Song
  • 4. Racing On Mainstreet             
  • 5. Fire In The Rain           
  • 6. Hanging At My Door 
  • 7. Rip Your Heart Out    
  • 8. The Original Sin          
  • 9. Quitter           
  • 10. We Fight For Rock ‘n Roll     
  • 11. Follow Your Heart   
  • 12. Children On The Rampage  
  • 13. Won’t Back Down
  • Guernica Mancini – Chant
  • Filippa Nässil – Guitares
  • Sara Pettersson – Basse
  • Emlee Johansson – Batterie

Label :   Despotz Records

FAITH NO MORE – Angeldust (1992)

Trois ans après le succès de The Real Thing, Angeldust marque la première réelle implication dans le groupe du chanteur Mike Patton qui n’avait pu ajouter que certains éléments sur le précédent opus déjà pratiquement écrit à son arrivée. Sa patte se sent immédiatement dès les premières mesures de « Land Of Sunshine » qui le voit développer son côté dandy crooner déjanté. Ses lignes vocales, torturées, complexes et mélodiques frappent l’auditeur, tandis que la musique propose toujours ce mélange de metal, de rock, de pop et de jazz rock avec une aisance désarmante. Enfin libéré d’un carcan qui le maintenait encore dans les limites imposées par l’industrie musicale, le groupe se lâche en nous offrant des titres uniques.

Ainsi, « Caffeine » envoûte par sa construction hypnotique, avant que « Midlife Crisis » ne démontre tout le talent de compositeurs de Bottum, Bordin, Gould et Patton pour un hymne à la vie et à la démesure. Cette chanson, sans aucun doute représentative de cette période de Faith No More claque comme un appel à la différence. En plus de 4 minutes ponctuées de lignes vocales tantôt déclamées, tantôt susurrées, tantôt envoûtantes, « Midlife Crises » symbolise tout le talent d’un groupe au meilleur de sa forme, et qui se montre capable de nous asséner ensuite la berceuse « RV » sorte de mélopée chantée par un Franck Sinatra sous acide.

Ce faux intermède laisse ensuite place à la déferlante « Smaller and Smaller » aux accents orientaux qui transporte l’auditeur dans un monde de démesure, magnifié par la voix démentielle de Patton et des litanies indiennes. « Everything’s Ruined « arrive alors avec son refrain pop, sa basse vrombissante et ses arrangements soignés qui annoncent le futur du groupe. Car Faith No More ne fait rien comme tout le monde et ne cesse d’explorer de nouvelles pistes. Si bien qu’il est impossible de les attendre à un endroit, puisqu’il se trouve déjà ailleurs.

J’en veux pour preuves la folie contenue dans « Malpractice » et ses arrangements discordants ou le déferlement progressif de « Be Aggressive » sur fond d’orgues et de guitares tournoyantes à la manière des années 70 ou les développements cinématographiques de « Crack Hitler » qui voit Patton se servir une nouvelle fois de logiciels capables de déformer sa voix. On est proche d’une version musicale du film Metropolis avec une dimension expérimentale que ne renierait pas Pink Floyd.

En près de 60 minutes, le groupe ne nous propose jamais deux fois le même morceau, ni la même structure. On passe ainsi d’un metal fusion aux riffs pesants de « Jizzlober » à la pop metal développée sur « A Small Victory » dont le refrain tourne longtemps dans la tête. Pour finir, l’instrumental « Midnight Cowboy » composé par John Barry (James Bond, notamment), clôt magistralement cette œuvre, en nous confirmant que Faith No More peint de superbes tableaux, tout en nous racontant des histoires sur fond de musique unique, expérimentale et en même temps mélodique. Peu de groupes en sont capables. Un des albums majeurs des années 1990.

1. Land of Sunshine
2. Caffeine
3. Midlife Crisis
4. RV
5. Smaller and Smaller
6. Everything’s Ruined
7. Malpractice
8. Kindergarten
9. Be Aggressive
10. A Small Victory
11. Crack Hitler
12. Jizzlober
13. Midnight Cowboy

  • Mike Bordin : guitare
  • Roddy Bottum : claviers
  • Billy Gould : basse
  • Jim Martin : guitare
  • Mike Patton : chant

Production : Matt Wallace & Faith No More

Label : Slash

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